Michael Drieberg voit avec envie les salons de coiffure, les cabinets médicaux, les services de beauté et de bien-être ainsi que les jardineries être autorisés à rouvrir leurs portes. Pour le patron de Live Music Production, il faudra en effet attendre, mais jusqu'à quand? Lui-même ne le sait pas, et cette incertitude est sans aucun doute ce qui lui pèse le plus:
"On n'a toujours pas la date à laquelle on pourra refaire des spectacles. Je crois toutefois que maintenant, ce psychodrame pour savoir s'il y aura des festivals ou non pendant l'été, on l'a réglé et ce, sans l'aide du Conseil fédéral, puisqu'il n'a toujours pas donné de date ni prononcé d'interdiction."
Un silence du Conseil fédéral que Michael Drieberg juge d'ailleurs incompréhensible: "Ce silence nous coûte cher et il est incompréhensible. Il nous coûte cher parce qu'il ne permet pas de négocier les annulations avec les artistes et il est incompréhensible parce que toute personne sensée sait qu'on ne va pas être autorisés à mettre 50'000 personnes sur un terrain pour faire un festival (...) Tous les pays qui nous entourent ont prononcé une interdiction, ça ne coûterait rien au Conseil fédéral de dire que, de toute façon, il n'y aura pas de festivals cet été".
"Les artistes se retournent contre nous"
Celui qui est également patron de Sion sous les étoiles critique cette absence de législation qui rend la gestion de la pandémie difficile pour son secteur. Il soupçonne même de possibles pressions du lobby des assurances:
"Les artistes se retournent déjà contre nous. Dès le moment où vous annulez le spectacle d'un artiste, la première chose qu'il va vous demander, c'est sur quelle base légale vous le faites. Et aujourd'hui, cette base légale n'existe pas. Je crois que les organisateurs de spectacles et de gros festivals ont pris leurs responsabilités. On table sur le fait qu'il apparaît impossible dans notre esprit que le Conseil fédéral ou que les cantons autorisent prochainement de grandes manifesations. C'est peut-être le lobby des assurances qui pousse à ne pas officialiser cette interdiction", explique-t-il.
Et d'ajouter: "Le deuxième problème qui se pose à nous, c'est la rentrée. Que se passera-t-il en automne, en hiver? Sera-t-on autorisés à faire des spectacles? Si oui, à combien de personnes? Quelles seront les contraintes? C'est un problème presque plus important, parce que nous sommes en train de faire notre programmation et de déplacer des dates à des périodes où on ne sait même pas si on pourra refaire des concerts."
"J'ai arrêté d'écouter ceux qui donnaient des prévisions"
Questionné pour savoir ce qu'il pensait des prévisions de l'épidémiologiste Marcel Tanner, qui estimait vendredi dans la NZZ qu'aucun événement de masse ne pourrait avoir lieu avant l'été 2021, Michael Drieberg refuse de se projeter:
"J'ai arrêté d'écouter tous ceux qui donnaient des prévisions parce que, manifestement, on ne sait pas. Il y a en a qui disent que cela va rouvrir dans deux ou trois mois, il y en a qui disent que cela va rouvrir dans deux ans. Je crois que le plus raisonnable, c'est d'attendre et de voir ce qu'il se passe. De voir comment cette pandémie diminue, s'il y a une deuxième vague, si on rouvre et de quelle façon."
Difficile également dans ces conditions d'établir un calendrier: "Si on déplace un concert, on le déplace à quand? A la fin de l'année? A 2021? Il y a beaucoup d'inconnues qui ne dépendent pas de nous et évidemment, c'est aussi un problème mondial. Les artistes qu'on accueille viennent aussi d'autre pays, comment monter une tournée mondiale alors qu'il y aura sans doute des pays qui seront 'ouverts' et d'autres pas", s'interroge l'entrepreneur.
"Bien sûr, il y aura des faillites"
Cette incertitude et ces annulations en cascade auront sans aucun doute un impact économique très important pour le milieu de l'événementiel. Pour celui qui est aussi directeur de la salle Métropole à Lausanne, des faillites apparaissent même inévitables:
"Personne ne peut tenir une entreprise pendant un an ou deux ans sans aucun revenu. Nous avons des plans qui sont aujourd'hui très serrés jusqu'à la fin de l'année (...) on a commencé en mars à ne plus avoir de revenus. On tient parce qu'on avait de bonnes réserves et qu'on a construit un modèle économique sérieux."
Et d'ajouter, concernant les plus petites structures du secteur: "Bien sûr, je pense qu'il y aura des faillites. Comme pour beaucoup de PME, une partie de ces faillites vont être retardées par les aides de l'Etat, mais il ne faut pas oublier qu'il faudra rembourser cet argent (...) les plus petits groupes feront faillite, les plus gros fusionneront."
Pour conclure, Michael Drieberg s'estime convaincu que le public reviendra à un moment ou à un autre: "L'émotion des spectacles vivants manque à beaucoup de gens. Ils reprendront le chemin des salles de spectacles, je n'ai pas de doute là-dessus, mais on ne sait juste pas quand".
Propos recueillis par Raphaël Leroy
Adaptation web: ther