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Le rôle stratégique de l'eau de Javel à l'heure du déconfinement

TTC Pénurie d'eau de Javel en Suisse
TTC Pénurie d'eau de Javel en Suisse / 19h30 / 4 min. / le 27 avril 2020
Comme les masques ou le gel hydroalcoolique précédemment, l'eau de Javel est aussi en rupture de stock dans les commerces. Les ventes ont explosé et ce désinfectant aura une importance stratégique pour accompagner le déconfinement.

Pendant ces deux dernières semaines, l'émission T.T.C. a contacté à plusieurs reprises dix magasins à travers la Suisse romande. A chaque coup de fil, au moins six d'entre eux étaient en rupture de stock. La disponibilité n'est pas meilleure sur les sites internet, où il est quasiment impossible de se faire livrer de la Javel.

La situation est le résultat d’une très forte demande depuis quelques semaines. Les magasins sont livrés, mais en petites quantités, avant d’être immédiatement dévalisés.

Du 24 février au 29 mars, les ventes d’eau de Javel ont progressé de 84% auprès du grand public en France. Sur la dernière semaine se terminant le 29 mars, l’eau de Javel est le quatrième produit le plus acheté en grande surface avec une progression de +120%. Un nombre qui atteint même +255% dans les drive, selon l'association française des industries de la détergence.

Une unique usine en Suisse

Un seul site fabrique ce précieux liquide en Suisse, l'usine chimique CAAB située sur les bords du Rhin à Pratteln (BL). Au mois de mars, son chiffre d’affaires a augmenté de 30% par rapport à la même période l’an passé.

Six millions de litres d’eau de Javel y sont produits annuellement puis envoyés à d’autres usines qui y ajoutent des parfums, des solvants et qui mettent le produit final en bouteille.

"Depuis le début de la crise, notre problème principal est de maintenir le niveau minimal d’effectifs présents sur le site", explique le directeur de CAAB Urs Zimmerli lundi dans le 19h30.

"En ce moment, il y a à la fois la grippe saisonnière, les allergies et la crise du coronavirus. Un autre problème, c’est toute l’incertitude qu’il y a eu avec les restrictions de déplacement entre l’Allemagne et la Suisse."

Mais l’usine bâloise livre l’essentiel de sa production en France et ce n'est donc pas elle qui est responsable directement des ruptures de stocks dans les magasins suisses.

La réalité est plus complexe: Migros et Coop se fournissent principalement auprès d’industriels italiens et français, qui sont submergés par la demande dans leur propre pays et dont les produits franchissent en plus avec difficulté nos frontières.

Un produit apprécié des Latins

Il existe environ 60 usines qui produisent de l’eau de Javel en Europe. En Suisse, les difficultés se concentrent surtout en Suisse romande et au Tessin. Elles se calquent sur la carte européenne de consommation d’eau de Javel, avec un trio de tête latin constitué de l'Espagne, de la France et de l'Italie.

Mais à l’heure du Covid-19, la Javel est particulièrement sur le devant de la scène en Afrique en raison de son prix minime et de la recommandation dont elle fait l’objet par l’Organisation mondiale de la santé pour la désinfection des surfaces.

"Un tueur très efficace"

"C’est un tueur de bactéries et de virus très efficace", souligne Mickael Touzinaud, de Médecins sans frontières (MSF). "L’avantage, c’est qu’il est disponible partout dans le monde, assez facilement", poursuit ce spécialiste de l'eau. "Il y a une grosse production mondiale et c’est quelque chose qui se stocke facilement et longtemps".

Parce qu’elle est aussi utile pour rendre l’eau potable, près de trois milliards de litres d’eau de Javel seraient utilisés chaque année dans le monde. Mais ce produit a aussi ses adversaires: à forte concentration, la Javel est notamment dangereuse pour la peau et les yeux. Et, mélangée à une substance acide (vinaigre, urine), elle peut libérer des gaz toxiques. Il existe enfin des dommages à l’environnement.

Yann Dieuaide/oang

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Une découverte qui remonte à la fin du 18e siècle

L'eau de Javel est composée d'hypochlorite de sodium pur (NaClO), en solution aqueuse avec du sel (NaCl), résiduel du procédé de fabrication.

Son invention remonte à la fin du 18e siècle, peu après la découverte du chlore. Le chimiste savoyard Claude-Louis Berthollet, installé dans l'ancien village français de Javel (devenu le 15e arrondissement de Paris), l'a étudiée à partir de 1775.

Il a découvert à cette époque les propriétés blanchissantes résultant du mélange de chlore et de soude.

Le pouvoir désinfectant de ce liquide sera mis en lumière quelques décennies plus tard. La Javel sera utilisée notamment lors des épidémies, pendant la Grande Guerre (14-18), et plus près de nous pour récurer Apollo XI à son retour de la Lune.