D'un côté, il y a ceux qui cherchent à s'occuper durant cette période de semi-confinement et se découvrent de nouvelles passions pour le jardinage, le bricolage ou la cuisine. De l'autre, il y a ceux qui ne chôment pas. Ils ont vu leur travail s'intensifier pour trier, charger et livrer aux confinés des jouets, robots de cuisine et autres objets d'occupation.
Les conditions de travail dans ces centres de logistique sont parfois rudes. Certains chauffeurs ont livré plus de 200 colis par jour, alors qu'en temps normal, c'est une centaine de paquets. Quant aux règles sanitaires pour se protéger du Covid-19, elles sont souvent impossibles à appliquer.
"On est tout près, tout le temps"
Selon José*, un chauffeur-livreur, le volume de travail a presque doublé. Le nombre de chauffeurs aussi, passant de 60 à 120-130. Il y a tant de paquets que l'espace manque dans la cage, l'endroit où sont triés les colis. "Nous sommes près les uns des autres et la distance de deux mètres n'est pas respectée. On est même deux à trois personnes dans la même cage."
Un sondage réalisé par le syndicat Unia dans les entreprises de transport et de logistique du pays indique que 43% des travailleurs ne parviennent pas à respecter la distance de deux mètres entre collaborateurs.
"J'ai plus peur à l'intérieur qu'à l'extérieur. Dehors, on n'a pas trop de contact avec les gens. Mais dans le dépôt, il y a parfois 150 personnes. On est tout près, tout le temps", témoigne José.
Difficile aussi de respecter les règles d'hygiène des mains: "Au début, il n'y avait qu'une grosse bouteille de désinfectant à l'entrée, mais elle était prévue pour les visiteurs ou ceux qui venaient chercher leur paquet. Pas pour le personnel qui travaille", précise-t-il.
Comme lui, 13% des employés du secteur affirment ne pas avoir la possibilité de se laver les mains ou de se les désinfecter, précise le sondage.
Des contrôles, mais aucune sanction
"Certaines entreprises ont continué à travailler comme si de rien n'était", dénonce Umberto Bandiera, secrétaire syndical chez Unia. Selon lui, ces sociétés auraient dû diminuer la quantité de travail, ou du moins repenser l'organisation des tournus et des horaires afin de pouvoir respecter les distances.
Depuis fin mars, les cantons ont pourtant effectué des contrôles, mais il n'y a eu aucune sanction.
Pour le conseiller d'Etat genevois Mauro Poggia, en charge du Département de la sécurité, de l'emploi et de la santé, ce type de manquement aux règles sanitaires était "rarement le fait d'une volonté délibérée de ne pas respecter les règles. Souvent, c'était de l'ignorance [...] Les amendes ou les mesures administratives qui peuvent aller jusqu'à la fermeture des lieux n'ont pas été prononcées, parce que nous n'avons pas constaté de récidive".
Ces "négligences" constatées par les contrôleurs ont été admises et corrigées, selon le conseiller d'Etat. Mais d'après des témoignages recueillis par la RTS, la situation de certains employés ne s'est pas vraiment améliorée.
Des contrôles annoncés à l'avance
Plus qu'un manque de sanction, ce sont les méthodes de contrôle qui laissent Umberto Bandiera perplexe: "Souvent, ces contrôles sont annoncés à l'avance ou sont faits à distance, par téléphone ou par email. Nous doutons sérieusement de l'efficacité de cette méthode et des résultats qui ont été obtenus", déplore le syndicaliste.
De son côté, Thomas de Courten, le président de la faîtière des entreprises de logistique Spedlogswiss, soutient que depuis le premier jour, ils sont sur le pied de guerre: "On applique les mesures du Conseil fédéral. Nous avons donné toutes les informations à nos membres et nous n'avons pas constaté d'erreur."
*Prénom d'emprunt
Delphine Gianora et Feriel Mestiri