"Nous demandons et encourageons les citoyens suisses à rester au pays pour les vacances": en marge de la conférence de presse du Conseil fédéral sur le plan de sortie de crise du Covid-19, la conseillère fédérale Karin Keller-Suter a appelé sans détour à soutenir le secteur touristique suisse cet été.
Pour l’heure, le Conseil fédéral recommande de s'abstenir de tout voyage non urgent à l'étranger. A l’approche de l’été, la prudence reste donc de mise, avec de nombreuses incertitudes quant à l’ouverture des frontières des pays voisins, comme la France et l’Italie, destinations touristiques majeures.
Pour la Suisse et beaucoup de pays européens, la tentation du protectionnisme et les considérations d’ordre sanitaire semblent s’imposer. Le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, plaide quant à lui pour l’instauration d’un "plan Marshall" en faveur d’un secteur économique très durement touché par la pandémie planétaire.
Saison compromise en Espagne
Avec plus de 11 millions de visiteurs par an, les Allemands constituent une clientèle d’importance pour l’Espagne, se classant juste derrière les Britanniques qui chaque année sont 18 millions à chercher soleil et farniente sur les rivages ensoleillés du littoral ibérique.
Les autorités britanniques et allemandes ont toutefois déconseillé à leurs concitoyens de se rendre en Espagne cet été, et ce même en cas de levée de l’état d’urgence et de réouverture des frontières. La Vanguardia, grand tabloïd espagnol édité à Barcelone, a relayé non sans inquiétude les récentes déclarations de Thomas Bareis, ministre allemand en charge du Tourisme, qui estimait sur la chaîne de télévision publique ZDF "plus qu’improbable une reprise rapide des séjours touristique en Espagne pour les citoyens allemands".
Ces propos ont douché l’espoir de voir la prochaine saison estivale venir apporter un peu de baume au cœur à un pays très lourdement meurtri par la pandémie. Un immense coup dur pour le secteur touristique ibérique qui à lui seul représente 12% du produit intérieur brut espagnol et qui a déjà souffert de la vague d’annulation du printemps dernier.
Mesures drastiques en Sardaigne
Même si plusieurs grands voyagistes rêvent d’un assouplissement des conditions de sortie du territoire d’ici à l’été, la sacro-sainte transhumance estivale apparaît bien compromise. Les touristes qui rêvent de visiter la Sardaigne cet été devront présenter une attestation prouvant qu’ils ne sont pas porteurs du Covid-19, se soumettre à un test de dépistage et télécharger une application qui suivra à la trace tous leurs déplacements.
"Nous demandons à ceux qui veulent prendre un bateau ou un avion de présenter, avec leur carte d'embarquement et leur passeport, un certificat de prélèvement négatif délivré sept jours avant la date de départ", a mis en garde Christian Solinas, gouverneur de la région de Sardaigne, une région jusqu’ici relativement épargnée par la pandémie.
L’inquiétude est très grande dans toute l’Italie qui a vu son secteur touristique connaître un coup d’arrêt brutal depuis l’instauration du confinement général, le 10 mars dernier. Ce secteur économique colossal – 232 milliards d’euros en 2019 – est entièrement à l’arrêt, alors qu'il est vital pour le pays.
L’essor du tourisme de proximité
L’année s’annonce donc très difficile pour le secteur même si certains professionnels de la branche espèrent une reprise progressive de l’activité en juin et imaginent des stratégies pour conquérir le cœur de millions de touristes européens avec des offres attractives et le projet d’installer des parois en plexiglas dans les restaurants et sur les plages pour respecter la distanciation sociale entre estivants.
Alors que Venise, vidée de ses cohortes de touristes, respire à nouveau, beaucoup en Italie espèrent le renouveau d’un secteur visant une clientèle régionale et nationale, consacrant le principe de la proximité, comme le relève Alessandro Tortelli, directeur scientifique du Centre d'études touristiques de Florence: "La crise sanitaire va pouvoir donner naissance à une forme nouvelle de tourisme, celui de la proximité. D’ailleurs, 83% des Italiens prévoient de rester au pays l’été prochain."
Olivier Kohler/boi