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L'industrie horlogère frappée par la crise, 5000 emplois à la trappe

Le secteur de l'horlogerie est touché de plein fouet par la pandémie de coronavirus. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
Situation difficile aussi pour l'horlogerie / La Matinale / 1 min. / le 6 mai 2020
La crise frappe l'industrie horlogère de plein fouet. Les exportations des montres suisses ont chuté de plus de 20% au mois de mars par rapport à l'année dernière, selon la Fédération de l'industrie horlogère qui prévoit un recul encore plus marqué pour le mois d'avril.

Avec la fermeture des magasins et l'arrêt brutal de l'économie mondiale - dont dépend 90% de la production horlogère suisse -, au moins 5000 emplois dans le secteur horloger (sur 60'000 au total) pourraient passer à la trappe d'ici à la fin de l'année en Suisse, selon Olivier Müller, consultant chez LuxConsult, interrogé dans La Matinale. De quoi faire craindre le pire pour certaines marques.

Si des poids-lourds comme Rolex, Patek Philippe ou encore Audemars Piguet disposent de réserves suffisantes pour limiter les dégâts, la menace plane surtout sur les marques d'entrée de gamme, soit celles qui produisent des montres à moins de 1000 francs.

60 marques menacées de disparition

Pour Olivier Müller, jusqu'à 60 marques, sur les quelque 350 que compte aujourd'hui l'horlogerie suisse, pourraient ne pas se relever de cette crise: "le moyen de gamme inférieur et l'entrée de gamme sont particulièrement impactés par l'arrivée des montres connectées sur le marché", notamment de l'Apple Watch en 2015, précise le consultant. "Même si la marque existe depuis longtemps mais qu'elle est déjà fragilisée, elle aura de la peine à dépasser cette crise".

De telles disparitions font craindre des effets en cascade sur toute la chaîne de valeurs, à commencer par les fabricants de composants et les petits ateliers de sous-traitance. L'offre du catalogue "Swiss made" se trouverait aussi appauvrie, alors qu'à ce jour, une trentaine de noms se partagent déjà 90% du marché.

Les "petits" ont encore un rôle à jouer

Les petites marques peuvent toutefois encore espérer tirer leur épingle du jeu, en misant sur leur dynamisme et leur capacité d'innovation, estime de son côté Grégory Pons, éditeur du site spécialisé BusinnessMontres.com: "Depuis le début de l'histoire horlogère, ce sont les petits qui secouent le cocotier, ce sont les petits qui inventent et ensuite les grands suivent". L'éditeur estime en revanche que pour les marques situées dans le moyen de gamme, "cela va être très compliqué".

A ce stade, impossible de connaître la durée de la crise ni l'ampleur qu'elle aura sur l'horlogerie suisse, même si l'année 2020 s'annonce déjà très morose: selon les estimations d'Olivier Müller, le chiffre d'affaires de la branche pourrait reculer d'au moins 30% cette année.

Interrogé dans La Matinale, Marco Gabella, cofondateur du site dédié à l'horlogerie watchonista.com, a relevé que l'histoire de l'horlogerie n'est faite que d'une succession de crises. "C'est une industrie très résiliente, mais cette fois on a un blocage complet total de toute l'activité. Les conséquences à court ou moyen terme vont être importantes. Mais toutes les marques ne sont pas à la même enseigne: certaines vendent quand même sur internet mais d'autres, avec des schémas de distribution traditionnels, ont davantage de peine".

>> Son interview complète :

L'industrie horlogère face à une crise économique majeure: interview de Marco Gabella (vidéo)
L'industrie horlogère face à une crise économique majeure: interview de Marco Gabella (vidéo) / La Matinale / 6 min. / le 6 mai 2020

Yoan Rithner/lan

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La crise dope les ventes en ligne

Les ventes de montres en ligne ont quasi doublé depuis le début de la crise. Selon Olivier Müller, elles atteignent aujourd'hui presque 10%, la fermeture des magasins partout dans le monde ayant naturellement poussé certains consommateurs à acheter leur montre sur Internet.

Si la proportion des ventes réalisées en ligne reste pour l'heure marginale, les marques tentent de plus en plus de réorienter leur stratégie vers le e-commerce. Ce canal leur permet en effet de se départir de nombreux intermédiaires indispensables à la vente en magasins, tels que les distributeurs et les détaillants, et d'engranger ainsi plus de marge.