"Il s'agit d'une décision personnelle - une décision familiale - et je suis convaincu que cette décision sert au mieux les intérêts de cette organisation", a expliqué Roberto Azevedo aux chefs de délégation à l'OMC lors d'une visioconférence. "Je ne nourris aucun projet politique", a-t-il assuré alors que certains lui prêtent des ambitions présidentielles en 2022 face au chef de l'Etat brésilien sortant Jair Bolsonaro.
Ce départ prématuré du Brésilien, un an avant la fin de son mandat, intervient au moment où l'économie mondiale enregistre son plus violent coup de frein depuis la Grande Dépression des années 1930. Le commerce international est frappé de plein fouet par la pandémie du coronavirus qui a fait s'effondrer la production et les échanges.
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L'OMC en crise profonde
L'OMC traverse quant à elle depuis des mois une crise profonde, le tribunal réglant les litiges commerciaux entre ses membres ne pouvant plus compter sur son organe d'appel, bête noire de Washington.
L'instance d'appel de l'organe de règlement des différends (ORD), dont la nomination des juges est bloquée par Washington, n'est en effet plus opérationnelle depuis le 11 décembre, faute de magistrats suffisants.
Cette démission "tombe à un bien mauvais moment pour l'institution", estime Sébastien Jean, directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII).
"Le système commercial est profondément déstabilisé à la fois par les tensions préalables, notamment les critiques acerbes du président américain, les entorses multiples aux accords, la guerre commerciale US-Chine et la paralysie de l'organe d'appel, et par les mesures commerciales prises en réaction à la crise, notamment les restrictions aux exportations diverses et variées", explique-t-il à l'AFP.
Entré en fonction en 2013
Diplomate de carrière, Roberto Azevedo, qui avait pris la tête du gendarme du commerce mondial en 2013 en succédant au Français Pascal Lamy, a commencé son second mandat de quatre ans en septembre 2017. Son mandat devait en principe s'achever fin août 2021.
afp/jpr
Un Suisso-Egyptien pour la succession?
Reste à savoir qui pourrait reprendre la tête de l'OMC. A Genève, les regards se tournent vers l'Afrique, qui n'a jamais dirigé l'institution, selon plusieurs sources diplomatiques. "Il y a un consensus (...) pour que la succession ne revienne pas à une grande puissance économique, et ça ne peut être ni un Chinois ni un Américain" compte tenu de la guerre commerciale que se livrent les deux puissances, indique une source diplomatique à l'AFP.
Plusieurs personnes issues de l'Afrique, dont un ancien haut fonctionnaire de l'organisation, l'Egyptien Hamid Mamdouh, qui est également ressortissant suisse, sont sur les rangs. Sans en dire davantage, la Suisse promet de s'engager dans la recherche du prochain directeur général.
Roberto Azevedo a lui expliqué aux diplomates qu'avancer son départ leur permettrait de désigner son successeur rapidement, sans empiéter sur les préparatifs de la douzième conférence ministérielle.
Guy Parmelin salue le "grand engagement" de Roberto Azevedo
La Suisse salue le "grand engagement tout au long d’une période très contrastée" du directeur général démissionnaire de l'OMC Roberto Azevedo. "Le commerce international jouera un rôle central pour sortir la Suisse et toutes les autres économies" de la crise liée au coronavirus, a affirmé jeudi à Keystone-ATS le conseiller fédéral Guy Parmelin.
Pendant ses mandats, "d'importantes décisions contribuant à son développement ont été prises", estime le chef du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche. Il relève notamment l'Accord sur la facilitation du commerce, entré en vigueur il y a trois ans, et qui doit doper les exportations mondiales de centaines de millions de francs par an.
La Suisse, l'un des pays qui défendent le plus l'Organisation mondiale du commerce, promet de continuer à s'engager pour celle-ci.