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L'industrie exportatrice suisse se prépare à la parité du franc avec l'euro

L'industrie des machines souffre de la valeur du franc suisse par rapport à l'euro
L'industrie des machines souffre de la valeur du franc suisse par rapport à l'euro / 19h30 / 2 min. / le 17 juin 2020
Le franc ne cesse de se renforcer et vient alourdir la crise du Covid. Mais tous les secteurs ne sont pas touchés de la même manière. Outre le tourisme, c'est l'industrie des machines qui souffre particulièrement, tandis que la pharma s'en sort plutôt bien.

Le franc à parité avec l'euro. C'est un peu comme un mauvais rêve qui se répête. Les entreprises exportatrices l'ont expérimenté dans la douleur il y a cinq ans, après que la BNS a aboli le taux plancher fixé à 1,20 franc pour un euro. La nouvelle avait fait l'effet d'un électrochoc pour cette industrie exportatrice, qui parlait alors de trahison.

Aujourd'hui, en pleine crise liée au Covid, l'histoire se répète et le franc pèse à nouveau lourdement sur les entreprises. L'euro s'échange contre 1,07 franc, à deux doigts de la parité.

A la différence de la première crise du franc fort, les entreprises suisses sont désormais préparées. Depuis ce 15 janvier 2015, elles ont appris à se prémunir des soubresauts des devises, en limitant leurs coûts. "On a beaucoup automatisé, on a beaucoup robotisé, on a réduit partout où il y avait des économies à faire et de l'efficience à gagner. C'est comme ça qu'on s'en est sorti", explique Pierre Castella, Administrateur de l'entreprise locloise Dixi Polytool.

Moins d'investissement dans la recherche et développement

L'industrie des machines tient le coup au prix de nombreux sacrifices. Elle vend davantage et moins cher, pour conserver ses parts de marché. Mais sa marge bénéficiaire en pâtit: "Nous sommes clairement désavantagés par rapport à nos concurrents, notamment allemands, qui ont pleinement profité de cet abandon du taux plancher, ou plus généralement de la force du franc suisse. Nous aurions pu avoir 20 ou 30% du chiffre d'affaires supplémentaire avec un cours tel qu'on le connaissait à l'époque du taux plancher", souligne Olivier Haegeli, codirecteur de l'entreprise de machines-outils Willemin-Macodel, basée à Delémont.

Sur le long terme, cette diminution de marges se fait au détriment de l'investissement en recherche et développement, analyse de son côté Marc Schuler, directeur de Dixi Polytool: "Malheureusement, le secteur R&D est le parent pauvre des PME. Du moins, il s'est appauvri au fil du temps, avec l'érosion des marges. La problématique du franc fort peut devenir un véritable problème. C'est bien cette R&D qui représente le futur de nos entreprises, qui nous permet de garder la compétitivité internationale. Il y a un certain nombre de soucis à se faire".

Plus d'emplois à l'étranger

Pour réduire les coûts, les entreprises suisses ont également acheté davantage de matériaux et de pièces usinées à l'étranger et se fournissent moins en Suisse. Avec des conséquences évidentes sur l'emploi. L'industrie des machines crée plus de postes à l'étranger (540'000) qu'en Suisse (330'000).

Selon Swissmem, l'Association de l'industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux, entre 2010 et 2017 les entreprises de l'industrie MEM ont augmenté leurs effectifs à l'étranger de 409'000 à 540'000 personnes (+32%). En Suisse, l'abandon du taux plancher en 2015 a entraîné la suppression de plus de 5% des emplois.

L'effectif des entreprises MEM étrangères en Suisse a lui aussi reculé depuis 2010 (-18,9%).

La pharma tire son épingle du jeu

Si l'ensemble de l'industrie d'exportation est à la peine, tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne et certains ont même gagné des parts de marché. "La pharma représente 40% des exportations de marchandises totales de la Suisse, contre 15% lors de la dernière crise en 2007", affirme John Plassard, directeur adjoint chez Mirabaud.

Selon lui, les secteurs qui souffrent moins du franc fort sont ceux qui sont à même de fixer leurs prix à la hausse, sans dommage sur les volumes: la chimie, la métallurgie, d'une certaine manière l'horlogerie. Mais surtout la pharmaceutique.

De l'autre côté du spectre, il y a les secteurs de la papeterie, des plastiques, de l'agro-alimentaire et de l'hôtellerie, "qui souffrent énormément dès que l'on augmente les prix", souligne John Plassard.

Gagnants ou perdants, d'une manière générale, l'ensemble de l'industrie d'exportation s'attend, à plus ou moins brève échéance, à une parité du franc suisse avec l'euro, comme elle existe déjà avec le dollar.

Philippe Lugassy / Feriel Mestiri

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