Considéré comme l'un des derniers géants de l'horlogerie helvétique, Jean-Claude Biver est fréquemment loué pour son côté visionnaire et sa tendance à aller à contre-courant. Objectif: se démarquer, toujours. Son curriculum vitae affiche de nombreux succès - on peut penser à son passage chez Blancpain, où contre vents et marées il mise sur le tout mécanique, alors que le quartz règne en maître; ou lorsqu'il mise sur un marketing redoutable en habillant James Bond d'une Omega, alors que 007 était depuis longtemps associé à Rolex. Quelques échecs, comme la Smartwatch lancée chez Tag Heuer, ont toutefois entaché ce beau parcours.
Alors que beaucoup d'entreprises voient la crise de Covid-19 comme une véritable difficulté à surmonter, Jean-Claud Biver semble la percevoir comme une opportunité. "J'ai toujours pensé qu'il fallait être premier, différent et unique. Une crise est un moment privilégié pour se démarquer. Elle doit devenir votre alliée et pas votre ennemie", explique l'ancien d'HEC Lausanne dans La Matinale.
Vers quatre concentrations
La crise de coronavirus va tout de même laisser des traces dans le secteur horloger en Suisse, selon le patron d'Hublot. "On va se retrouver avec une quadruple concentration: des sous-traitants - certains vont souffrir, fermer ou se faire racheter -, idem pour les marques de montres et les magasins dans le domaine de la distribution. Enfin, les consommateurs, en temps de crise, essaient d'acheter des choses qui les rassurent et vont vers les forts".
Jean-Claude Biver le concède, ses prédictions sont "effrayantes". Le Luxembourgeois d'origine y voit cependant une opportunité, en particulier pour les indépendants, qu'il image sous forme de métaphore. "Depuis 1982, je n'ai jamais vu autant d'occasions à saisir pour les indépendants. Lorsque l'on nettoie un aéroport, plus l'aspirateur est grand, plus il va faire de travail. Mais dans les virages, il ne peut pas faire les coins. Il faut donc un aspirateur plus petit. Dans le business, ce sont les niches et c'est une opportunité pour les petits artisans".
"A quoi servent encore les salons?"
Les Geneva Watch Days, premier salon horloger depuis le début de la pandémie, débute mercredi. Cet événement sur quatre jours se veut décentralisé et sera destiné aux professionnels. Dix-sept marques exposeront leurs modèles en boutique ou dans des suites d'hôtel.
L'entreprise de Jean-Claude Biver n'y est pas associée, et le chef d'entreprise de s'interroger sur l'antenne de la RTS: "On peut se demander à quoi les salons servent encore? Aujourd'hui, chaque marque a des filiales dans tous les pays. Vous êtes tous les jours en contact avec vos clients. Avons-nous réellement besoin d'un salon qui rassemble tout le monde au même endroit quand on est de toute manière déjà présent sur le terrain toute l'année?"
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Jérémie Favre