Le nombre de dénonciations est passé de 1159 en 2010, à 7705 l’an dernier, pour une somme globale de près de 13 millions de francs. Dans 90% des cas, les dénonciations viennent d'établissements bancaires, en particulier des places que sont Genève et Zurich.
Un cas illustre ce "zèle ". Environ 900 millions de dollars, une somme astronomique, ont été gelés dans une banque privée genevoise sur le compte d'un riche homme d'affaires angolais soupçonné de blanchiment d'argent. Dans cette affaire, révélée par le site d’investigation financière Gotham City, la banque et le bureau de lutte contre le blanchiment d’argent ont joué un rôle décisif.
Les fonds appartiennent à un homme d'affaires angolais qui a fait sa fortune dans le pétrole, en fournissant des assurances aux acteurs du secteur. Il est prévenu de blanchiment d'argent par la justice genevoise.
En l'occurrence, c'est la banque elle-même qui s'est adressée aux autorités, fin 2018, pour dénoncer un virement de plus de 200 millions de francs qu'elle jugeait douteux sur un des comptes de l'homme d'affaires.
"Une volonté de nettoyer les écuries"
"Probablement que les institutions bancaires n’ont plus le même raisonnement qu'il y a 10 ou 20 ans. Il y a une volonté des autorités bancaires de nettoyer un peu les écuries", a expliqué au 19h30 Marc Henzelin, avocat, spécialiste en droit pénal économique.
La banque Syz, qui abrite les fonds gelés à Genève, n'a pas commenté l'affaire. "Vous devez comprendre que nos obligations découlant du secret bancaire nous empêchent de nous exprimer à ce sujet", a-t-elle répondu par écrit à la RTS.
De son côté, la défense du prévenu nie en bloc. "Mon client conteste fermement les charges à son encontre. Il confirme avoir toujours agi conformément à la loi", explique Clara Poglia, l'avocate de l'homme d’affaires angolais
Garde-fous de la Confédération
Cette affaire met en lumière les garde-fous mis en place par la Confédération pour lutter contre le blanchiment d’argent.
Au coeur du dispositif, le bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS), un département de Fedpol. Il reçoit les dénonciations, les traite et les renvoie à la justice lorsqu'il le juge nécessaire.
Pour Marc Henzelin, "ce système permet à des autorités financières de dénoncer des infractions potentielles à des autorités pénales. Avant, c’était le secret bancaire intégral, maintenant il y a ce droit de dénoncer. Les banques risquent d’être accusées de blanchiment au cas où elles laisseraient passer des infractions d’un tel type."
Les banques risquent d’être accusées de blanchiment au cas où elles laisseraient passer des infractions d’un tel type
Depuis la création du bureau en 1998, les cas n’ont donc cessé d’augmenter. Explications fournies par le MROS: "Les ajustements du secret bancaire en sont certainement une des causes, mais la sensibilisation accrue des banques et les meilleures possibilités de déclaration sont également des explications."
Pour les banques, il faut aujourd'hui trouver le juste milieu. Soit dénoncer et risquer de se mettre les clients à dos, soit ne pas dénoncer, et risquer cette fois d’être aussi accusées de blanchiment.
Dans le cas de l’homme d’affaires angolais, la procédure est en cours. Une demande d’entraide judiciaire a été adressée aux autorités angolaises par le Ministère public genevois. L’homme risque 3 ans de prison au maximum.
Gilles Clémençon/asch