"Sans l'accord des syndicats, le marché ouvert du travail, et
donc les accords bilatéraux avec l'Union européenne, ne se fera
pas", a menacé mardi devant la presse à Berne Renzo Ambrosetti,
co-président d'Unia. En refusant de conclure une convention
collective de travail (CCT) nationale, la Société suisse des
entrepreneurs scie la branche sur laquelle elle est assise, a-t-il
martelé.
Soutien syndical
L'Union syndicale suisse (USS) et ses fédérations réanalyseront
expressément au printemps prochain leur engagement pour le
renouvellement des accords bilatéraux et l'extension de la libre
circulation, a expliqué son président Paul Rechsteiner. Et
d'affirmer que les premiers accords ont été acceptés en 2000 et
2005 par le peuple grâce au soutien des syndicats.
Pour qu'ils maintiennent cette position, les syndicats exigent,
outre une CCT, une amélioration du fonctionnement des mesures
d'accompagnement à la libre circulation destinées à protéger les
salaires. En effet, certains cantons ne procèdent pas à assez de
contrôles et les cas d'infractions sont encore trop nombreux, a
relevé l'économiste en chef de l'USS Daniel Lampart. Dans certaines
branches comme la construction, une entreprise sur quatre verse
encore des salaires trop bas et un travailleur temporaire sur trois
gagne trop peu.
Fermetures de chantiers
Lorsque des amendes sont prononcées, 20% d'entre elles ne sont
pas payées, a dénoncé Daniel Lampart. Pour remédier à ces
problèmes, l'USS exige notamment que les entreprises soient
obligées d'annoncer préalablement leur main d'oeuvre détachée, son
lieu de travail et les salaires versés. De leur côté, les instances
de contrôle doivent pouvoir fermer des chantiers en cas de forte
suspicion d'abus.
Autre revendication qui sera transmise aux autorités fédérales,
celle d'introduire une responsabilité solidaire des entreprises
générales. Les mesures actuelles ont porté leurs fruits et les
contrôles des salaires se sont grandement améliorés, a tenu à
préciser le président de l'USS. Mais si les CCT, "pierres
angulaires des mesures d'accompagnement", tombent, ces mesures
n'auront finalement plus aucun effet, a-t-il mis en garde.
ats/kot/boi
L'Union patronale mécontente
L'Union patronale suisse a vivement réagi à cette annonce de l'USS.
Selon son directeur Thomas Daum, il n'est pas correct de faire un lien entre le vide conventionnel dans la construction et les accords bilatéraux. C'est prendre l'économie suisse en otage, a-t-il dit.
Utiliser les intérêts de l'ensemble de l'économie pour faire pression sur un seul secteur tient de l'abus, a ajouté Thomas Daum.
"Je respecte que l'USS revienne sur les problèmes dans l'application des mesures d'accompagnement", mais "les négociations dans la construction sont une chose, la libre circulation en est une autre".
Il est incontestable que les syndicats ont eu un poids dans l'acceptation de la libre circulation des personnes, mais "ça me dérange qu'ils l'utilisent pour faire pression", a-t-il conclu.
La CCT au coeur du conflit
Plus de 5000 ouvriers de la construction ont manifesté lundi à Genève, Neuchâtel et Berne, à l'appel des syndicats pour réclamer une convention collective de travail.
La mobilisation la plus importante a eu lieu à Genève, où entre 4000 et 5000 personnes ont manifesté. Ce week-end, un arrêt de travail avait paralysé les travaux du tunnel du Gothard.
Les 80'000 employés de la branche vivent sans CN depuis le 1er octobre, en raison de la résiliation de la convention par la Société suisse des entrepreneurs. Depuis lors, c'est le code des obligations qui régit les rapports de travail, même si le patronat dit conserver les mimima salariaux.
Le 5 novembre, une séance de négociation est agendée avec la SSE. La dernière entrevue, le 4 octobre, s'était soldée par un échec.