Paolo Bernasconi a répondu durant deux heures aux questions du
Ministère public et des avocats des six accusés. La défense a pour
l'essentiel contesté la manière dont il a mené - de novembre 2002 à
janvier 2003 - les auditions des banquiers et des réviseurs, ne
respectant pas certains principes fondamentaux des prévenus.
«Pourquoi n'avez-vous pas dit qu'une enquête était ouverte et
qu'il était possible de garder le silence. Pour un esprit vaudois
et lent, il n'était pas évident de penser qu'une procédure pénale
était en cours et que les propos tenus allaient filer chez le juge
d'instruction», a résumé Me Philippe Richard, avocat d'un
accusé.
Pas d'alternative
Pour Paolo Bernasconi, l'existence de la procédure pénale était
notoire et il ressortait clairement de l'invitation adressée aux
anciens responsables de la banque qu'ils avaient la possibilité de
ne pas y donner suite. «Vous ne nous avez pas laissé d'alternative
à cette audition», a contesté Me Jean-Christophe Diserens.
Le Tessinois avait été engagé comme «expert neutre» par la BCV et
l'Etat de Vaud pour déterminer les responsabilités à l'origine des
besoins en provisionnement de la banque. Le canton a été amené à
injecter 600 millions puis 1,25 milliard de francs dans la BCV.
Très attendue
L'audition de Paolo Bernasconi, qui a ouvert le défilé des 55
témoins, était très attendue. La défense n'a jamais caché tout le
mal qu'elle pense de son rapport qui a été entièrement mené à
charge et qui cloue au pilori les accusés. Pire, à ses yeux, ce
document a servi de fil rouge à l'enquête qui a abouti au
procès.
Face aux avocats, Me Bernasconi a campé sur ses positions. «Je
confirme totalement mes conclusions», a-t-il dit à la Cour. Le
professeur et expert réputé du monde bancaire a rappelé que son
rapport de 300 pages - le rapport Bernasconi - était une analyse
préliminaire mais qu'il était basé sur «des moyens de preuves».
«J'avais comme seul maître le souci d'objectivité».
Le tribunal est aussi revenu sur les enveloppes de 30'000 francs
remises de main à main par l'ancien PDG Gilbert Duchoud à certains
directeurs généraux. «C'était une récompense pour avoir bien
travaillé durant l'année. De la part d'une banque cantonale, la
méthode m'a un peu surpris», reconnaîtra un des
bénéficiaires.
ats/tac
Réserves suffisantes
Trois anciens directeurs généraux de la banque se sont aussi succédé à la barre. Inculpés puis blanchis par la justice, ils ont comparu comme témoins. Ils ont rappelé que jamais la banque n'avait été en péril. Elle affichait une bonne santé financière et disposait de réserves en suffisance.
A leurs yeux, la recapitalisation de 1,25 milliard de francs était inutile. «Je l'ai toujours considérée comme largement surfaite, une opération pas nécessaire», a dit un ex-directeur, spécialiste expérimenté des crédits, licencié avec effet immédiat lors de la publication du rapport Bernasconi, le 29 janvier 2003.
Entre 2003 et 2006, 953 millions de francs de provisions seront dissous pour servir de bénéfices, répètent à l'envi les avocats des accusés. «Vous savez que Standard & Poors avait alors donné à la BCV la note la plus basse jamais attribuée à une banque suisse», a contre-attaqué le défenseur de l'Etat de Vaud, Me Yves Burnand.
Défilé des témoins
Le Tribunal correctionnel de Lausanne entendra mardi d'anciens cadres de la banque. Le défilé des témoins est prévu pendant deux semaines avec plusieurs personnalités politiques, comme le président du gouvernement Pascal Broulis et les anciens conseillers d'Etat Charles Favre, Jacqueline Maurer et Daniel Schmutz.