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Télétravail: la tentation de la surveillance

A quelle surveillance sont soumis les employés en télétravail? (vidéo)
A quelle surveillance sont soumis les employés en télétravail? (vidéo) / La Matinale / 3 min. / le 1 octobre 2020
Les outils informatiques permettant de contrôler l’activité informatique d’un employé se démocratisent. Les entreprises naviguent entre confiance et surveillance alors que le télétravail se développe de plus en plus.

Quel contrôle pour le télétravail? Si le confinement a démocratisé le travail à domicile, les patrons s'interrogent. Comment s'assurer sur le long terme que les employés vont bien et qu'ils travaillent… mais sans les voir. La tâche n'est pas aisée.

En Suisse, Novartis fait office de poisson pilote. Le géant pharmaceutique bâlois est la première grande entreprise suisse à autoriser le télétravail permanent, même après le Covid. L'employé reçoit 680 francs pour installer un bureau chez lui.

En contrepartie, un logiciel mesure l'activité des employés au téléphone, par mail ou encore pour les réunions numériques. Ce qui permet à Novartis d'affirmer que sa productivité n'a pas baissé.

Le droit du contrôle

Cette surveillance est-elle légale? En apparence oui. La collecte d'informations se fait sur base volontaire (3% des employés ont refusé). De plus, l'activité individuelle n'est pas monitorée. Novartis affirme analyser uniquement les données agrégées des équipes comprenant au moins 30 personnes.

En Suisse, l'ordonnance 3 relative à la loi sur le travail précise pourtant qu'il "est interdit d'utiliser des systèmes de surveillance ou de contrôle destinés à surveiller le comportement des travailleurs à leur poste de travail."

Il est par exemple interdit d'installer un logiciel espion. Cependant, une surveillance qui a pour but la sécurité, le contrôle du rendement ou de la qualité des prestations est admise selon la jurisprudence, pour autant qu'elle soit proportionnée et que les travailleurs aient été informés.

Un manque de transparence

"Dans les entreprises, on voit surtout des cas qui sont liés à des licenciements ou des reproches faits à l'employé", estime Sylvain Métille, avocat spécialisé dans la protection des données. "On découvre qu'un grand nombre d'entreprises ont des outils de surveillance pas toujours implémentés de manière tout à fait correcte."

"Avec le travail à distance, on sait qu'il y a des moyens de contrôle qui ont été mis à disposition, mais pas toujours de manière aussi transparente que chez Novartis. On est en train de chercher le bon équilibre. L'objectif est de garder un lien avec l'employé, de s'assurer de sa présence et de son travail, mais sans aller trop loin".

La frontière est donc fine entre une surveillance justifiée et une surveillance abusive. La tentation est grande pour un manager de regarder les données de son équipe et d'en tirer des conclusions.

Des choix éthiques

Jérôme Rudaz, président de l'association vaudoise des professionnels des ressources humaines (HR Vaud), estime que ces méthodes de contrôles ne sont pas encore très répandues en Suisse romande et touche plutôt les grandes multinationales.

Sur le fond, "nous avons des données, mais que veut-on en faire ? Il y a un choix plutôt bienveillant qui consiste à aider la personne pour qu'elle retrouve une plus grande productivité et un autre orienté vers la productivité à tout prix qui débouche sur un licenciement".

Le sujet est délicat, voire tabou dans le monde des ressources humaines. "C'est un sujet sensible car il bouscule ce qu'on essaie de prôner au niveau RH. On était dans un trend qui prônait la confiance et la responsabilité."

Recherche de rentabilité

"Il y a quelques mois encore, le bonheur au travail faisait les gros titres. Aujourd'hui parler de ‘super contrôle' et de la productivité à tout crin… c'est un renversement de paradigme qui est assez important dans notre monde".

Le contexte économique difficile renforce cette tentation de contrôle. Avec le Covid, il y a eu le chômage partiel, les chiffres d'affaires en chute libre. Il s'agit pour les entreprises de rattraper le retard et de garantir la productivité notamment du télétravail.

"Il y a actuellement une baisse de la confiance envers le travailleur", estime Luca Cirigliano, secrétaire central à l'Union syndicale suisse spécialisé dans le droit des employés à leurs données privées.

"Le télétravail s'installe vite et de façon un peu chaotique à cause de la pandémie. Je pense que beaucoup d'employeurs voudraient prendre la voie facile d'un employé contrôlé à 100%, complètement transparent. Ce n'est pas acceptable. C'est interdit."

Pas un contrôle qualitatif

Ces contrôles basés sur les données informatiques sont avant tout quantitatifs. Et c'est là tout le problème. Les métiers qui aujourd'hui se limitent au rendement auront bientôt disparu.

Dans une société qui se robotise, où les guichets sont remplacés par des distributeurs automatiques, le futur appartient à la prise de risque, l'intuition, la créativité, la confiance ou encore les relations interpersonnelles.

Pour ces plus-values, essentielles dans l'économie de demain, il n'existe pas encore de système de contrôle.

Pascal Wassmer

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