«Les managers évoluent dans un autre monde que les travailleurs
moyens. Leurs salaires obéissent à d'autres règles», a dénoncé
lundi Martin Flügel, le président désigné de Travail.Suisse, qui
entrera en fonction le 1er septembre. «Leurs augmentations
salariales annuelles ne dépendent pas des prestations fournies», a
t-il ajouté devant la presse à Berne.
La centrale syndicale a passé à la loupe les salaires de 28
grandes firmes helvétiques, dont 24 sont cotées en bourse. L'étude
révèle que des augmentations de salaire de plus de 10% sont la
règle. Des hausses de 20% sont même habituelles dans ce milieu,
précise Travail.Suisse. Depuis 2002, les salaires réels des
travailleurs ont augmenté de 2,8%, et les salaires minimaux de
5%.
Fossé toujours plus important
Parallèlement, les salaires des membres de la direction ont
explosé de quelque 80%, a relevé Susanne Blank, responsable de la
politique économique à Travail.Suisse. L'accroissement salarial des
managers est donc 30 fois plus élevé que celui des
travailleurs.
Or ce sont justement les dirigeants qui s'octroient année après
année des augmentations de salaire à deux chiffres qui appellent,
lors des négociations salariales, les représentants des
travailleurs à être raisonnables et à se serrer la ceinture, a
critiqué Susanne Blank.
La situation n'est pas meilleure si l'on compare l'évolution entre
le salaire moyen d'un membre du conseil d'administration et le
salaire le plus bas dans l'entreprise. Entre 2002 et 2007, l'écart
s'est creusé dans 24 cas sur 28, dans deux tiers des cas de plus de
20%. Rien d'étonnant à cela, pour Susanne Blank, puisqu'il relève
de la compétence des membres du conseil d'administration
d'approuver les indemnités des dirigeants.
"Gang des requins"
«Ce mécanisme de copinage doit être brisé», a plaidé la
syndicaliste. Pour fustiger les abus les plus extrêmes,
Travail.Suisse a publié la liste du «gang des requins», qui réunit
les 55 managers de 12 entreprises dont le salaire est au moins cent
fois supérieur au salaire le plus bas de leur entreprise.
A ce palmarès, c'est Daniel Vasella, directeur et président du
conseil d'administration de l'entreprise pharmaceutique Novartis,
qui arrive en tête. Avec sa rémunération de près de 35 millions de
francs en 2007, il a gagné 643 fois plus que le moins bien payé de
ses employés.
En deuxième position figure Brady Dougan, patron du Credit Suisse,
avec un rapport de 1 à 464 pour une rémunération de plus de 22
millions de francs. Franz Hummer, directeur et président du conseil
d'administration de l'entreprise pharmaceutique Roche, se place sur
la troisième marche de ce podium avec un rapport de 1 à 419 (voir
ci-contre le classement des plus grosses rémunérations).
Helvetia Patria montrée du doigt
Travail.Suisse a également décerné sa «fourchette salariale
2007», qui pointe du doigt l'entreprise où l'écart salarial s'est
le plus accentué. Ce prix est attribué à Helvetia Patria,
l'assureur ayant vu le fossé se creuser de 69% en 2007. Pour Martin
Flügel, cette évolution ne restera pas sans conséquences. Tôt ou
tard, la motivation et la loyauté des travailleurs seront
certainement minées. Par conséquent, il n'y aucune raison de
s'imposer de la retenue en matière d'exigences salariales, a-t-il
revendiqué.
Pour contrer les abus, il exige aussi le retour à des salaires
fixes pour les dirigeants et un représentant des travailleurs au
sein du conseil d'administration. Le futur président de
Travail.Suisse rejette en outre tout cadeau fiscal accordé aux
managers. L'initiative déposée par un petit patron alémanique
contre les rémunérations abusives va aussi dans la bonne direction,
a-t-il souligné.
agences/sun
Le top-12 de Travail.Suisse
Travail.Suisse a publié lundi le classement des rémunérations les plus élevées en 2007. Les 12 premiers patrons de la liste sont:
Daniel Vasella (Novartis, 34,7 millions de francs).
Franz Humer (Roche, 22,5 millions).
Brady Dougan (Credit Suisse, 22,2 millions).
Peter Brabeck (Nestlé, 20,2 millions).
Thomas Limberger (Oerlikon, 16,5 millions).
Walter Kielholz (Credit Suisse, 14,6 millions).
James Schiro (Zurich, 12,3 millions).
Rory Tapner (UBS, 10,3 millions).
Ernst Tanner (Lindt & Sprüngli, 10,2 millions).
Fred Kindle (ABB, 9,4 millions)
Nick Hayek (Swatch, 5,6 millions).
Rolf Dörig (Swiss Life, 5,4 millions).
Commerce: salaires des employés à revoir
SEC Suisse, l'organisation qui défend les intérêts des employés de commerce, formule ses exigences d'augmentations de salaire pour l'an prochain. Elle demande 3% pour le personnel de vente ainsi que 3,5% pour celui travaillant dans l'industrie et les banques.
L'exigence de SEC Suisse se fonde sur un besoin de rattrapage en matière de pouvoir d'achat, a-t-elle fait savoir lundi devant la presse à Zurich.
Elle estime notamment que la rémunération des employés de commerce les plus anciens a stagné au cours des dix dernières années.