Après la surprise et la découverte au printemps dernier, le télétravail a généré chez beaucoup d'employés l'envie de continuer à travailler ainsi, à distance, estime Joanna Bessero, consultante RH, samedi dans La Matinale.
Après avoir mené une large enquête auprès de salariés et d'employeurs en Suisse romande, Joanna Bessero relève que 87% des sondés confirment leur volonté de poursuivre dans la voie du télétravail.
"Le télétravail est vécu comme une nouvelle forme de travail, une chance d'une certaine manière, estime la chercheuse, parce que le télétravail forcé a mis en lumière une sorte de confiance forcée: autant les managers auprès de leurs équipes que les salariés auprès de leur direction ont dû avoir beaucoup plus confiance au printemps."
Des réticences dans certaines entreprises
Les réticences sont-elles plus grandes du côté des entreprises? "Cela dépend du secteur d'activités, répond Joanna Bessero: dans les entreprises où les activités permettent le travail à distance, on se rend compte que la réflexion est obligatoire, que le paradigme du travail a changé entre le printemps et aujourd'hui." Et d'ajouter: "C'est une forme de révolution que nous vivons et les entreprises doivent se mettre au diapason."
Le télétravail ne se généralise toutefois pas d'un claquement de doigt. "Le télétravail forcé a été une réaction face à une situation, mais le télétravail volontaire, qui s'inscrit dans la durée, doit être réfléchi", juge Joanna Bessero, qui évoque autant des aspects législatifs qu'organisationnels, sociaux ou de management.
La consultante RH admet que, dans certains secteurs d'activité comme le primaire ou le secondaire, le télétravail est plus difficile à mettre en place, mais certains services pourraient tout de même travailler facilement à distance, comme les finances, les ressources humaines ou l'administration.
Pour Joanna Bessero, "la réticence vient principalement de la culture et de la mentalité des dirigeants d'entreprises. Mais avec cette agilité que l'on vit actuellement et qui devient évidente avec le Covid, les entreprises réticentes devront faire évoluer leur culture."
Des lacunes juridiques à combler
Le développement du télétravail doit aussi répondre à certaines règles. Invoquant des lacunes juridiques, l'Union syndicale suisse a ainsi appelé vendredi à légiférer au plus vite pour mieux protéger les travailleurs.
L'USS regrette qu'il n'existe rien de concret en Suisse, contrairement aux pays voisins, à l'exception de réglementations isolées dans les secteurs d'activité dotés d'une convention collective de travail. Afin de combler ces lacunes, l'USS estime que la loi fédérale sur le travail à domicile pourrait être adaptée.
"Cela doit être une priorité", abonde Joanna Bessero. Il faut à ses yeux moderniser les lois, en termes de réglementation, que ce soit sur la durée du travail, sur la santé et sur les infrastructures. "C'est un vrai chantier qui démarre et qui devra être réfléchi dans les entreprises et au travers de la loi."
Le porte-parole de l'USS Benoît Gaillard précise dans La Matinale que "deux choses fondamentales" sont concrètement demandées: un droit au retour, c'est-à-dire que même si on a opté pour le télétravail, on a le droit de revenir au travail normal dans les locaux de l'entreprise, et le fait que le télétravail, hors période de pandémie, doit rester optionnel pour le collaborateur.
Propos recueillis par Yann Amedro
Adaptation web: Frédéric Boillat
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