Ringier Axel Springer Suisse SA procède à un recentrage stratégique de son portefeuille. Il cède Le Temps SA, et donc le quotidien Le Temps, à la fondation Aventinus, dont le siège est à Carouge (GE), a annoncé Marc Walder, CEO de Ringier, mardi devant la presse.
Le quotidien changera de main au 1er janvier 2021 au terme de transactions "longues et complexes", selon les mots de François Longchamp, président de la fondation Aventinus. La rédaction déménagera de Lausanne à Genève, dans un lieu pas encore déterminé, pendant le premier semestre 2021 et avant le 30 juin.
La transaction pour le rachat du quotidien s'élève à 6,5 millions, a appris la RTS.
Le journal continuera d'être imprimé sur papier dans son imprimerie actuelle, celle du groupe Tamedia, à Bussigny, a précisé M. Longchamp.
Ensemble du personnel repris
La fondation entend maintenir Le Temps en tant que journal de qualité indépendant en reprenant l’intégralité de la rédaction. L'ensemble du personnel - une centaine de personnes - sera transféré dans la société "Le Temps" établie à Genève. Aventinus entend démontrer "sa volonté de maintenir et développer en Suisse romande un foyer de qualité et d’innovation dans les médias".
"Quand un groupe de fondations et de mécènes privés annonce la reprise d'un quotidien, c'est une très bonne nouvelle", a ajouté Marc Walder, qui a précisé que la régie publicitaire du Temps resterait celle de Ringier (Admeira) durant une période de deux ans. L'éditeur alémanique s'est lui désengagé en raison d'un manque de synergies avec son portefeuille de publications, composé essentiellement de magazines, a-t-il indiqué.
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Nouveau conseil d'administration
Pour l'heure, seul le président du conseil d'administration a été nommé en la personne d'Eric Hoesli. Il est l'homme à l'origine du journal, a rappelé François Longchamp. Interrogé sur les controverses ayant entouré l'homme de médias ces dernières années, il a souligné qu'il était "un professionnel reconnu de la presse, un homme certes de caractère, capable d'amener des compétences particulièrement appréciées. C'est ce que nous voulions", a-t-il observé.
Un groupe de travail est désormais chargé d’assurer la transition opérationnelle. Nommé d'ici au 1er janvier prochain, le conseil d'administration de cinq à six membres désignera la nouvelle équipe de direction (direction de la rédaction, direction financière et direction administrative) du titre et de définir l’orientation stratégique pour les années à venir.
De son côté, l'actuel rédacteur en chef du Temps Stéphane Benoît-Godet prendra les rênes de l'Illustré dès le 1er décembre. Le journal disposera de moyens supplémentaires, mais ce ne sera pas un puits sans fond, a averti François Longchamp.
Reprise d'"Heidi.news"
La fondation Aventinus avait une deuxième nouvelle à annoncer mardi: son intention de reprendre à terme la majorité, voire la totalité des actions de la plateforme "Heidi.news", lancée début mai 2019.
L’opération devrait être bouclée avant la fin 2020, pour une mise en œuvre au printemps. La fondation Aventinus est déjà actionnaire "très minoritaire" de Heidi Media SA depuis décembre 2019, avec une part de 5,81% du capital, a rappelé François Longchamp.
"Il est largement trop tôt pour parler de nos intentions quant à ce média, beaucoup plus petit et récent. Nous avons seulement signé un protocole d'accord", a souligné le président de la Fondation. Cette dernière entend analyser les forces et les faiblesses des deux médias.
La rédaction veut être associée
La Société des rédacteurs et des personnels (SRP) du Temps a estimé que le rachat du titre par la Fondation Aventinus aidera le journal "à se projeter vers un nouvel avenir". L'opération est d'autant plus appréciable que "la situation économique est des plus dégradées pour la presse".
Selon la SRP, ce rachat montre la confiance que la fondation Aventinus porte au Temps et "son importance dans le paysage démocratique romand". Le travail ne fait toutefois que commencer. Des structures garantissant l'indépendance de la rédaction par rapport à Aventinus doivent être "rapidement" créées.
La SRP demande aussi à être désormais "intimement" associée aux futures réflexions du groupe de travail qui a négocié l'acquisition du Temps. Elle réclame aussi une pleine transparence dans la perspective du rachat par Aventinus du site "Heidi.news", "au format et à l'identité bien différents".
ats/jpr/kkub
"Le Temps sera davantage présent dans les cantons"
Le Temps devra renforcer la couverture de "l'activité démocratique suisse", relève le président de la fondation Aventinus François Longchamp dans une interview publiée mardi sur le site Heidi.news. Cela passera notamment par une plus grande présence dans les cantons, selon lui.
"Nous ne voulons pas subventionner le journal d’une génération qui s’en va, mais développer un titre ambitieux, à la pointe de ce que le journalisme de qualité doit être en Suisse romande. Cela signifiera des investissements importants, notamment dans le numérique, et dans la couverture éditoriale", souligne encore François Longchamp.
L'ancien conseiller d'Etat genevois n'a pas fourni d'indications sur le montant de la transaction. "Nous ne communiquons pas les chiffres mais les moyens dont nous disposons permettent au Temps d’envisager son avenir avec davantage de sérénité que la plupart des autres titres de presse en Suisse, et probablement en Europe", déclare-t-il, tout en précisant que la fondation n'est pas "un puits sans fond"
Excellent pour la diversité médiatique, estime Médias Suisses
Le rachat du Temps est salué par l'association des médias privés Médias Suisses. Les éditeurs romands se réjouissent en particulier de l'intention de la fondation Aventinus "de développer un titre à la pointe de l’excellence journalistique".
"Cette ambition, qui s’accompagnera d’un renforcement de la couverture de l’actualité suisse, est assurément une excellente nouvelle pour la diversité du paysage médiatique romand", indique Médias Suisses dans une prise de position.