Alors que l'Europe affronte la deuxième vague, la Chine a presque tourné la page Covid. Sa santé économique fascine.
"L'économie chinoise redémarre sur tous ses moteurs: la consommation, l'investissement et l'exportation. C'est une exception que nous n'observons aujourd'hui ni aux États-Unis ni dans la zone euro", affirme Christophe Donay, responsable de la recherche macro-économique à la banque Pictet.
La force de frappe des travailleurs chinois n'est plus à démontrer. Mais le fait nouveau, c'est que le Parti communiste chinois a choisi une nouvelle stratégie, orientée désormais sur le marché intérieur. Un changement de cap à 180 degrés par rapport au modèle de dumping salarial développé il y a 20 ans, avec des salaires extrêmement bas pour concurrencer les autres pays. Pékin veut désormais rompre avec sa dépendance étrangère et se focaliser sur la croissance domestique du pays.
Augmentation du pouvoir d'achat
Selon Christophe Donay, pour muscler la consommation chinoise, il faudra augmenter le pouvoir d'achat, donc les salaires: "L'augmentation des salaires, qui sera de l'ordre de 7 à 8% dans les prochaines années, devrait faciliter la transformation de l'économie chinoise."
Cette augmentation des revenus, qui a été amorcée depuis quelques années, a déjà montré ses effets. Aujourd'hui, la croissance domestique représente environ 60% du PIB chinois. A titre de comparaison, aux Etats-Unis, cette part s'élève à 75%.
Comme partout dans le monde, la crise du coronavirus a eu pour effet d'augmenter le commerce en ligne. L'économie chinoise était déjà leader mondial sur les ventes en ligne, qui représentaient avant la crise 22% du commerce de détail total chinois. Aujourd'hui, cette part s'élève à 30%. Et ce 11 novembre en particulier a déjà battu tous les records. En ce jour de la "Fête des célibataires", le géant chinois du commerce électronique Alibaba a annoncé plus de 56 milliards de francs de chiffre d'affaires, en hausse d'un tiers par rapport à l'an dernier.
Exportation de matériel médical
Paradoxalement et alors même que l'attention veut se focaliser sur le marché intérieur, la Chine exporte beaucoup plus après la crise qu'avant. "Cela s'explique par l'exportation de beaucoup de matériel médical, notamment des masques et des respirateurs, dont ont besoin l'ensemble des pays pour soigner et traiter les personnes infectées par la Covid", explique le banquier de Pictet.
Ces exportations se chiffrent en milliards. John Plassard, stratégiste en investissement à la banque Mirabaud, note que "l'activité manufacturière est revenue à ses plus hauts d'il y a 11 ans. On le voit, la Chine est actuellement dans une dynamique de croissance extrêmement forte".
Technologie et transition énergétique
Outre la manufacture, deux autres secteurs drainent particulièrement la croissance chinoise: la technologie et les énergies renouvelables. Côté technologie, c'est l'intelligence artificielle qui tire le secteur vers le haut, avec 60% des dépenses mondiales qui proviennent de Chine. La 5G n'est pas en reste, selon John Plassard: "On estime que les entreprises chinoises ont près de 2 à 3 ans d'avance sur les entreprises européennes et américaines, ce qui est absolument fou."
Alors que la transition énergétique lambine dans le monde, là aussi, les Chinois gagnent de précieux points de croissance: "Depuis 5 ans, la Chine a dépensé 345 milliards d'euros pour cette transition écologique et créé près de 13 millions d'emplois en Chine simplement dans ce secteur", souligne l'expert chez Mirabaud.
2025, l'année de la passation du pouvoir
Selon les projections du Fonds monétaire international (FMI), la Chine aura retrouvé une croissance positive sur l'ensemble de l'année 2020 à 1,9%, tandis que la Suisse (-5,3), la zone euro (-8,3) et les Etats-Unis (-4,3), peinent à s'extirper du gouffre. Un retour à la croissance est prévu pour 2022 aux Etats-Unis et en 2023 dans la zone euro.
Selon les experts, l'année 2025 marquera l'accession de la Chine comme première puissance économique mondiale. Mais sa gestion du Covid pourrait lui permettre de devancer les Etats-Unis un peu plus tôt que prévu.
Philippe Lugassy et Feriel Mestiri