"Les incertitudes concernant les perspectives de la croissance
économique sont inhabituellement élevées", a déclaré son président
Jean-Claude Trichet lors d'une conférence de presse.
Changement d'ambiance
Ces termes, répétés à l'envi, signalent un changement d'ambiance
au sein du conseil des gouverneurs, qui a décidé "à l'unanimité"
jeudi de garder le principal taux inchangé à 4%. En
Grande-Bretagne, la Banque d'Angleterre a abaissé le sien d'un
quart de point à 5,25%, mais les gardiens de l'euro n'en sont pas
encore là.
Aucun gouverneur n'a appelé à réduire les conditions du crédit en
zone euro jeudi, a précisé le Français, mais aucun n'a plaidé non
plus en faveur d'une hausse de taux. Le virage est conséquent. Il y
a un mois seulement, certains membres du conseil avaient réclamé
une augmentation du loyer de l'argent, soulignant les dangers de
second-tour, où les hausses de prix se propagent aux salaires,
créant un effet de spirale inflationniste.
Certes ces risques existent toujours et Jean-Claude Trichet n'a
pas manqué d'appeler les partenaires sociaux à conclure des accords
salariaux modérés. Mais il a davantage insisté sur les menaces pour
l'économie, reconnaissant que dans le meilleur des cas, la hausse
du PIB serait inférieure à 2% cette année.
Baisse des taux dès avril?
La BCE semble ainsi avoir fait son deuil de l'idée d'augmenter
de nouveau les taux, après huit remontées depuis décembre 2005,
pour revenir à une politique monétaire neutre, même si Jean-Claude
Trichet n'a pas voulu employer ce terme. En gardant le principal
taux directeur à 4%, le conseil estime être "en mesure de garantir
une stabilité des prix à moyen terme", a-t-il expliqué.
Interrogé sur la pertinence des attentes des marchés, qui misent
sur une première réduction en zone euro dès le mois d'avril, il n'a
pas voulu répondre directement. Mais il a toutefois précisé que la
BCE souhaitait à l'avenir rester "prévisible" dans ses décisions
sur les taux à court terme. "Les surprises ont été très rares (par
le passé) et cela va probablement continuer", a-t-il indiqué.
En mars, l'institut monétaire publiera ses nouvelles prévisions de
croissance et d'inflation, l'occasion pour la BCE, jugent de
nombreux économistes, de clarifier la direction que prendra la
politique monétaire, vraisemblablement une baisse de taux. Sylvain
Broyer, analyste chez Natixis, y croit encore davantage après la
conférence de jeudi et maintient son pronostic d'une première
baisse de taux en avril. Pour la suite, il parie sur un principal
taux ramené à 3% à la fin de cette année.
ats/tac
La BCE poussée à adapter son message
Depuis un mois, les événements se sont précipités et la BCE n'avait d'autre choix que d'adapter son message.
Craignant une récession aux Etats-Unis, les marchés boursiers se sont écroulés et ont contraint la Réserve fédérale à une action d'urgence. En huit jours, le principal taux américain est tombé de 4,25% à 3%.
La baisse de confiance des industriels et des consommateurs, le recul des ventes de détail en décembre, en pleine période de Noël, n'augurent rien de bon pour la zone euro, qui va aussi pâtir du ralentissement prévu de la croissance mondiale, le tout étant de savoir dans quelle ampleur.
Avant de trancher, la BCE va attendre. Et réagira en fonction des événements, a dit le Français, une façon aussi de s'ouvrir clairement l'option d'une baisse de taux.
L'Europe chute, New York se relève
Les Bourses européennes ont clôturé en baisse jeudi après l'annonce de la BCE.
La Bourse de Paris a perdu 1,92%, Londres 2,58% et Francfort 1,66% et la Bourse suisse 1,92%.
Wall Street a en revanche terminé la séance en hausse. Le Dow Jones a gagné 0,38% et le Nasdaq 0,63%.