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Banques en ligne ou néo-banques, la finance se démocratise en Suisse

Les banques en ligne, un marché en pleine expansion, au détriment des banques traditionnelles
Les banques en ligne, un marché en pleine expansion, au détriment des banques traditionnelles / 19h30 / 2 min. / le 7 décembre 2020
Swissquote a ouvert la voie il y a 25 ans. Depuis, d'autres banques sans guichet se sont pressées au portillon. La dernière arrivée vient d'ouvrir ses portes à Genève avec 90 emplois créés et l'ambition affichée de casser les prix.

Pour gagner la confiance de leurs clients, les banques n'ont plus besoin de positionner leurs agences sur la place Bel-Air à Genève ou la Bahnhofstrasse à Zurich. Pour ouvrir un compte, le client n'a besoin que d'un téléphone portable, d'une pièce d'identité et d'une dizaine de minutes.

L'idée de se passer d'un banquier pour gérer une partie de ses avoirs a séduit Stephane Hugon il y a quelques années. Cet utilisateur de banque en ligne possède des cartes de néo-banques pour ses dépenses quotidiennes et travaille avec deux banques en ligne pour l'achat et la vente de titres boursiers: "Le premier intérêt de la banque en ligne est le côté dynamique, de pouvoir acheter et vendre les actions, de passer l'ordre et d'avoir le résultat tout de suite. Aussi, on a un prix qui est un tiers inférieur à celui d'une banque traditionnelle", explique-t-il.

Transactions gratuites

Ce type de banque s'est multiplié en Europe ces cinq dernières années, mais ce marché en pleine expansion affiche un train de retard en Suisse, selon Charles-Henri Sabet, le fondateur de FlowBank.

Cette dernière-née des banques en ligne s'est installée dans le nouveau quartier genevois de Lancy-Pont-Rouge, avec 90 employés. Ses activités ont démarré cet automne, avec pour objectif notamment de casser les prix: "Aux États-Unis, on propose des systèmes qui ne prennent aucune commission. On arrivera certainement à ça en Suisse. En attendant, FlowBank sera définitivement la banque la plus compétitive de Suisse", annonce Charles-Henri Sabet.

L'homme d'affaires, qui avait créé dans les années 90 Synthesis Bank (devenue Saxo Bank), ne cache pas ses objectifs à terme d'offrir des transactions gratuites. Mais il veut aussi rajeunir ce service. "La Suisse s'est toujours concentrée sur la gestion privée et la conservation des actifs de leurs clients. Aujourd'hui, les demandes des clients évoluent et il est très important d'offrir une technologie innovante afin de combler le retard que nous avons dans ce pays."

Un marché démocratisé

Swissquote, basée à Gland (VD), avait ouvert la brèche il y a 25 ans. Aujourd'hui leader en Suisse, la banque en ligne est désormais présente à Dubai, Hong Kong et Singapour. En pleine expansion, elle construit une tour de 15 étages sur son siège vaudois pour accueillir 1700 employés.

Sa clientèle aussi ne cesse de croître: "Aujourd'hui, acheter une action sur un marché quelconque, c'est comme commander un billet d'avion sur internet", compare Marc Burki, directeur de Swissquote. "La technologie a démocratisé des choses qui étaient réservées à des gens ultra-spécialisés."

Manque d'innovation des banques traditionnelles

Pour Jean-François Lagassé, associé chez Deloitte et spécialiste en Banque & Finance, cette expansion des banques en ligne s'est faite au détriment des banques traditionnelles qui ont raté le virage des fintech: "Au cours des 5 ou 6 dernières années, les avoirs gérés des banques se sont accrus de plus de 40%. Durant cette même période, les revenus et les marges d'intérêt ont diminué de 10%. On explique cela aussi par l'arrivée de nouveaux entrants sur le marché".

Ces "nouveaux entrants" sont non seulement les banques en ligne comme Swissquote, qui offrent des commissions de courtage sur titres à des tarifs préférentiels, mais aussi depuis depuis cinq ans de nouveaux acteurs dans d'autres secteurs, comme celui des cartes de crédit. Parmi ces banques mobiles, le britannique Revolut, l'allemand N26 ou le suisse Neon.

Combler le retard

"Depuis la crise financière, les banques ont dû adopter une série de réglementations importantes, qui les a mises en retard par rapport à l'adoption de nouvelles technologies. Ces technologie ont été adoptées par les fintech, qui elles se sont engouffrées dans la brèche pour gagner des parts de marché", explique Jean-François Lagassé.

Pour l’heure, les banques classiques continuent à délivrer leur service avec conseil payant inclus. Mais l'expert de Deloitte précise que les banques traditionnelles sont actuellement en train de combler leur retard. Certaines ont créé leur propre néo-banque, comme Zak, par la banque Cler, ou Alpian, lancée par Reyl. Aux Etats-Unis, certaines banques, comme JP Morgan, préfèrent agir comme des sociétés pharmaceutiques en rachetant des start-up, des fintech ou des néo-banques qu'elles intégrent directement au groupe.

Un vent nouveau souffle certainement sur la place financière helvétique et ce n'est sûrement pas un hasard si le nouveau patron d'UBS a été recruté pour ses qualités d’acteur de la digitalisation bancaire.  

Philippe Lugassy et Feriel Mestiri

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