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Les bénéfices des vaccins contre le Covid-19, massivement subventionnés, iront aux pharmas

Risqué, le développement des vaccins a largement reposé sur l'argent public.
Le bénéfice des vaccins contre le Covid-19, massivement subventionnés, iront aux pharmas / Le Journal horaire / 1 min. / le 17 décembre 2020
Près de dix milliards de francs publics et philanthropiques ont permis de développer les vaccins contre le Covid-19, selon des données publiées par la BBC. Ce montant constitue la moitié du total investi dans la recherche. Rien ne garantit que les entreprises pharmaceutiques n’en tireront pas de substantiels bénéfices.

La société Airfinity a compilé toutes les données disponibles sur les fonds débloqués dans la recherche d’un vaccin contre le Covid-19. Selon ses recherches, les huit principaux vaccins candidats occidentaux ont été largement subventionnés.

Un quart de l’argent nécessaire au développement du traitement de Pfizer, soit 640 millions de francs, a été fourni par des collectivités et des œuvres philanthropiques. L’intégralité des fonds nécessaires au vaccin de Moderna, plus de 2,2 milliards, provient de la même source. AstraZeneca a perçu 2,4 milliards et Novavax plus de 1,6 milliard de francs d'argent public et de dons.

Hors pandémie, les vaccins sont considérés comme un investissement à risque pour les grands groupes pharmaceutiques.

La Fédération Internationale de l'Industrie du Médicament (FIIM) a expliqué à la RTS que "le développement d’un vaccin, de la découverte jusqu’à sa mise à disposition, peut durer au minimum 10 ans et demander un investissement de plus d’un milliard de dollars avec un risque global d’échec de 94%."

Le cancer et les maladies liées au vieillissement promettent, par exemple, des rendements supérieurs et constituent donc des cibles plus prioritaires.

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Frilosité de l'industrie

Selon Patrick Durisch, expert en politique de santé de l’ONG Public Eye, "les quatre géants du vaccin ont hésité à entrer dans la danse, c’est seulement grâce aux subventions publiques et philanthropiques et la voie montrée par de plus petites start-ups comme BioNtech ou Moderna qu’ils ont conclu des partenariats". Dès le début de la crise il était évident que des financements extérieurs seraient nécessaires pour mettre fin à l’épidémie de coronavirus et à ses conséquences économiques.

La répartition de l’effort n’en reste pas moins frappante dans un secteur où bénéfices, dividendes et budgets marketing se comptent en milliards. La FIIM – qui représente l’industrie - estime toutefois que cette dernière a joué son rôle: "si la recherche peut se faire à la vitesse grand V, c’est parce que nous pouvons nous appuyer sur des décennies d’investissements et de recherche et développement".

Cette affirmation contraste toutefois avec l’appréciation de la situation de Public Eye. Selon son représentant, "ce sont surtout les financements publics massifs qui ont été moteur, à la fois dans le pré-développement de technologies mais aussi dans la mise au point des vaccins".

La FIIM avance aussi l’importante mobilisation du secteur, rappelant que "des sites de fabrication supplémentaires ont été construits et que la commande des composants et la production des vaccins COVID-19 a commencé avant même qu'ils ne soient approuvés". La fédération considère que "les investissements publics servent ainsi à partager les risques", sans entrer dans le détail dudit partage.

Financements publics sans condition

Quoi qu’il en soit, ce sont bien les grandes pharmas qui commercialiseront les vaccins tant espérés. En cela, le parcours du remède ne différera pas de celui de nombre de médicaments, qui naissent dans des institutions universitaires publiques avant d’être repris et mis sur le marché par des géants de l’industrie.

"Aux Etats-Unis, par exemple, le NIH (Institut national de la santé) a contribué aux 210 nouveaux médicaments homologués par la FDA entre 2010 et 2016. Mais cette part publique n’est pas prise en compte dans l’équation lorsqu’il s’agit de fixer le prix du produit final", rappelle Patrick Durisch.

Quels bénéfices les géants du marché tireront-ils de leur vaccin? Les marges seront-elles contrôlées ? Malgré une crise sans précédent et des enjeux colossaux définis depuis des mois, aucune garantie ne semble acquise de ce côté : "les pharmas tenaient le couteau par le manche et ont eu toute liberté pour fixer les prix. Les Etats n’ont pas imposé de réelles conditionnalités de prix ou d’accès", affirme l’expert.

Prix fixé par les pharmas

Il faudra donc s’en remettre aux pharmas pour ce qui est du prix. Selon la BBC, Pfizer a annoncé qu’elle ne facturerait pas plus que le nécessaire pour couvrir ses coûts. Une position cohérente avec celle de la FIIM, qui assure qu’en cette période de crise inédite "les entreprises ne sont pas guidées par l’analyse traditionnelle des coûts/bénéfices. De nombreuses firmes biopharmaceutiques ont déjà annoncé qu’elles proposeront leurs vaccins à prix coûtant ou socialement responsable".

De son côté, Moderna ne cache pas son objectif de dégager des profits. La Suisse a d’ores et déjà passé des pré-commandes auprès de trois fabricants, pour plusieurs millions de doses. A quel prix ? Malgré une demande en transparence, la RTS n’a pas pu obtenir cette information tenue secrète. Cette confidentialité prévaut dans la plupart des pays, même si la secrétaire d'Etat belge a levé un bout du voile en révélant jeudi 17 décembre les montants payés par son pays, avant d'effacer en urgence son tweet.

Tweet effacé de la secrétaire d'Etat belge, qui révèle les prix payés par la belgique pour les vaccins.
Tweet effacé de la secrétaire d'Etat belge, qui révèle les prix payés par la belgique pour les vaccins.

On y découvre une palette de prix assez large, le vaccin de Moderna coûtant 8 fois plus cher que celui d'AstraZeneca. Il s'agit uniquement de la facture belge et il faudra attendre pour connaître les gains réalisés par les producteurs de vaccins grâce à la pandémie.

Tybalt Félix

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