Les interrogations demeurent sur l'état de l'économie mondiale d'après-crise. Peut-on s'attendre à une reprise fulgurante ou y a-t-il encore des obstacles sur le chemin d'une croissance forte ?
Dans tous les cas, l'idée même d'un vaccin rend de nouveau possible l'espoir et surtout les projets. Toutefois, il ne faut pas s'attendre à des changements immédiats. À court terme, le monde avec vaccin ressemblera beaucoup au monde sans vaccin, puisqu'une partie significative de la population ne sera pas protégée.
Alors qu'en Suisse la campagne de vaccination devrait démarrer en janvier, ses bénéfices ne devraient se faire sentir sur l'activité économique qu'en juin.
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Efficacité de la vaccination décisive
Certains analystes s'attendent alors à un gros boom de la consommation, mais tous ne sont pas d'accord sur l'ampleur de ce rebond. Selon certains d'entre eux, nous vivrons donc encore longtemps avec les séquelles de la pandémie.
Pour Florence Pisani, directrice de la recherche économique chez le gérant d'actifs Candriam, cela dépendra essentiellement du succès de la vaccination et de sa capacité à atteindre rapidement une éventuelle immunité collective. Mais cela ne suffira pas. Il faut également qu'il y ait un retour à la normale du comportement de consommation.
Cependant, on l'a vu durant l'été, "dès que l'on rouvre les commerces non-essentiels, on constate des rebonds de consommation", explique-t-elle. Ainsi, "on pourrait retrouver des niveau normaux d'ici début 2022".
Le chômage pourrait persister
Le niveau de l'emploi reste le plus inquiétant à moyen terme. Selon Florence Pisani, "il y a plusieurs secteurs, notamment dans les secteurs de services peu qualifiés, dans lesquels on ne retrouvera pas un niveau normal avant plusieurs années".
"Il va falloir qu'il y ait beaucoup plus de soutien de la part des politiques publiques", estime-t-elle. Mais il faut aussi compter sur la consommation des plus riches.
"La consommation des ménages les plus pauvre est déjà revenue à la normale. Pour relancer l'économie, il faut que ça soit également le cas pour la consommation des ménages les plus aisés", explique Florence Pisani. "C'est sur eux que la reprise repose, car ce sont eux qui ont pu profiter de la crise pour mettre de l'argent de côté".
Or, si ces ménages décident de changer de comportement, par exemple de consommer davantage de biens et moins de services, il y a de l'emploi qui va manquer dans certains secteurs.
La dette n'est pas un problème
Autre élément d'inquiétude, la dette publique creusée par les États ne devrait pas être un réel frein à la relance, selon l'économiste. "Je pense que les leçons de la crise (ndlr. de la dette européenne) ont été tirées", note Florence Pisani. Cette crise a montré que "les gouvernants ont beaucoup plus de marge de manoeuvre qu'ils ne le pensaient".
"Il y a aujourd'hui d'immenses masses d'épargne disponibles que l'on peut utiliser. La question est de savoir comment on utilise cette épargne. Si les gouvernements font des investissements productifs, dirigés vers l'avenir, dans le climat, l'éducation, la santé ou encore la justice et police, alors "cette dette est tout à fait soutenable".
Sur la possibilité d'un "virage écologiste" en sortie de crise, Florence Pisani estime enfin qu'il faudra pour cela une forte volonté politique. "Il faut des politiques publiques qui réorientent les investissements, car cela ne se fera pas naturellement", prévient-elle.
Propos recueillis par Valérie Hauert
Texte web: Pierrik Jordan