Au lendemain de la rupture des négociations sur l'offre de
reprise d'Air France-KLM, la compagnie italienne se trouve dans une
situation critique: son président Maurizio Prato, partisan de ce
rapprochement, a démissionné, la trésorerie est au plus bas et les
alternatives à la solution franco-néerlandaise très aléatoires.
Un conseil d'administration de la compagnie, contrôlée par
l'Etat à 49,9%, se tenait dans l'après-midi, le titre du groupe
étant suspendu depuis l'ouverture de la séance.
En pleine campagne électorale
Privé de solution de rechange alors que la campagne électorale
pour les élections législatives des 13 et 14 avril complique la
situation, le gouvernement veut croire qu'il est possible de
relancer l'hypothèse Air France-KLM.
Le gouvernement «va vérifier (..) s'il s'agit d'un abandon
définitif de l'hypothèse d'un rapprochement entre les deux sociétés
ou s'il existe encore une possibilité d'accord avec les syndicats»,
a indiqué un communiqué. Air France-KLM a abandonné les
négociations après une contre proposition des syndicats qui
exigeaient du repreneur qu'il conserve l'intégralité des activités
de la compagnie et fasse entrer une holding publique à ses côtés
dans le capital d'Alitalia.
Syndicats prêts au dialogue
Huit des neuf syndicats d'Alitalia, ont tenu une conférence de
presse pour faire part de leur disponibilité à une reprise des
négociations avec Air France-KLM ou d'autres investisseurs
intéressés.
«Nous espérons que la tentative de gouvernement aboutira à une
vraie négociation. Nous ne voulons pas d'un paquet préficelé mais
un accord qui ne laisse personne de côté», a déclaré Fabrizio
Solari, secrétaire général de la Filt-Cgil (gauche).
En revanche, le secrétaire général de l'UIL, Luigi Angeletti, qui
avait abandonné lundi la table des négociations, a estimé que le
dossier Alitalia devait être renvoyé après les élections car la
compagnie a «assez de ressources pour plusieurs mois».
Restructuration radicale
Pourtant dès mercredi, le ministre de l'Economie, Tommaso Padoa
Schioppa avait averti que si l'offre d'Air France-KLM échouait, la
compagnie italienne devrait probablement recourir à la nomination
d'un commissaire extraordinaire.
Une telle solution entraînerait «une restructuration radicale»,
bien plus douloureuse qu'une vente à Air France-KLM, avait souligné
le ministre. Alitalia serait alors placée sous la loi Marzano,
utilisée en 2004 lors du krach du groupe agroalimentaire Parmalat,
qui laisse le commissaire extraordinaire décider de restructurer la
société ou de la liquider.
La démission de Maurizio Prato, nommé le 1er août 2007 pour
trouver un acquéreur, rend la possibilité d'une reprise avec Air
France-KLM difficile : «cette compagnie est maudite, seul un
exorciste peut la sauver», a-t-il lancé aux syndicats.
afp/tac
Victime des politiques et des syndicats
La compagnie Alitalia, qui se retrouve au bord du gouffre après la rupture des négociations avec Air France-KLM, est la victime des politiques, de droite comme de gauche, et des syndicats, estimaient jeudi éditorialistes et économistes.
"Alitalia est le dernier exemple de l'irresponsabilité des politiques et des syndicats dans la situation de l'Italie. Les politiques portent la faute la plus lourde car ce sont les gouvernements passés et actuel qui sont les propriétaires d'Alitalia", selon Franco Debenedetti, éditorialiste au quotidien économique Il Sole-24 Ore et ex-sénateur de gauche.
Les syndicats, qui ont notamment proposé l'entrée au capital d'Alitalia d'une holding publique, "ont rendu un accord impossible", souligne Stefano Folli, autre éditorialiste politique. "Ils sont plongés dans la plus grande confusion. Ils ne veulent pas de la faillite mais restent enfermés dans une logique corporatiste. Le gouvernement actuel a aussi eu le tort de faire traîner les négociations jusqu'à la campagne électorale, le pire moment pour prendre des décisions", ajoute-t-il.
Le chef de la droite italienne Silvio Berlusconi, favori des sondages pour les élections des 13 et 14 avril, s'est emparé du dossier, affirmant qu'il était prêt à mettre sur pied un groupe d'investisseurs italiens pour conserver à la compagnie son caractère national. Tous les industriels et banquiers dont les noms ont été avancés par l'ex-chef de gouvernement (2001-2006) ont cependant démenti. "S'il est élu, il devra montrer comme il l'a dit qu'il existe une autre solution, soit un groupe d'investisseurs, soit une autre société aérienne", avertit Stefano Folli.
Pour Giacomo Vaciago, professeur d'économie à l'Université catholique de Milan, "Alitalia et Air France étaient complémentaires et le seul avenir possible de la compagnie italienne est l'intégration avec Air France". Lui aussi fait porter une lourde responsabilité aux neuf syndicats d'Alitalia "plus nombreux que les avions de la compagnie et qui sont en outre en concurrence".
"Cette affaire est emblématique d'un pays qui n'a pas de gouvernement digne de ce nom depuis des années. Les problèmes sont discutés mais pas résolus. Le gouvernement italien ça se résume aux talk-show du soir à la télévision", conclut-il avec dureté.