"J'ai besoin de 20'000 francs pour créer une SARL et j'en ai besoin pour le début de l'année prochaine. Le prêt sur gage est pour moi la solution la plus rapide et efficace", explique Olivier* dimanche dans le 19h30. Ce client de Valorum, un prêteur sur gage situé à Lausanne, propose en échange trois montres, deux Rolex et une Hermes.
Dans le canton de Vaud, le prêt sur gages est un activité privée, régie par la loi. Comme tout intermédiaire financier, il est surveillé par la Finma, l'autorité des marchés financiers.
"Nous ne sommes pas des banquiers, nous n'avons pas les mêmes garde-fous. Les gens veulent de l'argent tout de suite, au moindre prix et surtout, ils ont des objets de valeur auxquels ils tiennent. Ils en veulent le maximum, donc l'équilibre de tout cela n'est pas évident", affirme Juan Caido. Le directeur de Valorum exerce cette activité depuis 6 ans. Et selon lui, la crise actuelle a fait émerger un nouveau type de clientèle.
"La catégorie socio-professionnelle [des clients] a vraiment évolué. Jusqu'à l'année dernière, ils avaient une moyenne de salaire située entre 4000 et 5000 francs. Cette année, on est en train de dépasser les 7000 francs de salaire moyen mensuel. Et on peut dire que les personnes qui ont un salaire annuel proche des 100'000 francs ont aussi un besoin de liquidités à court et moyen terme", note le prêteur sur gage.
Prêt négocié
Le besoin de liquidité peut être le résultat d'un accident économique, comme la perte d'un travail, d'un problème de santé ou le remboursement de dettes, comme des arriérés d'impôts. Mais, de plus en plus, les clients viennent chercher le financement d'un nouveau projet.
C'est le cas d'Olivier, qui a engagé ses trois montres, d'une valeur de 26'000 francs. Deux d'entre elles ont en plus une valeur sentimentale. Il espère en contrepartie un prêt de 20'000 francs. Une véritable négociation s’engage entre les deux hommes.
Au final, il repart avec 20'000, mais aura dû vendre la troisième montre, celle qui a le moins de valeur sentimentale. Pour récupérer ses deux Rolex, héritées de sa famille, il va rembourser 800 par mois jusqu'à fin juillet et le solde de 9890 francs.
Dans le canton de Vaud, la tarification pour le prêt sur gage est de 9% pour un prêt sur trois mois, 12% sur six mois et 18% sur une année.
Passé le délai, les objets seront vendus aux enchères en collaboration avec l'Office vaudois des poursuites et faillites. L'éventuel excédent sera reversé au propriétaire.
Des valeurs plus chères
Si la caisse vaudoise fait pour 1,5 million de prêts sur gage, celle de Genève, qui attire également une clientèle de tous les cantons romands, traite des volumes cinq fois plus élevés, pour près de 8 millions. Cette caisse publique est moins gourmande en intérêt.
Son directeur Dominique Tinguely a fait le même constat qu'à Lausanne devant la recrudescence d'une classe aisée: "Le profil peut être assez varié. On a pas mal de personnes à la retraite, des personnes originaires des pays d'Afrique ou d'Asie du Sud. Mais on a vu arriver ces derniers temps, plus que d'habitude, un profil de clients européens, qui ont des valeurs chez eux, qui ont de la fortune, mais qui ont des problèmes de trésorerie temporaire", constate le directeur de la Caisse publique de prêt sur gage (CPPG).
La valeur moyenne des prêts a elle aussi augmenté. L'an passé, la moyenne des prêts était d'environ 2000 francs. "Désormais, les gens réclament des montants plus élevés: 5000, 6000 francs. Cela peut aller jusqu'à 25'000 francs, voire davantage. Il n'y a pas vraiment de limite, cela dépend des objets déposés", précise Dominique Tinguely.
La caisse genevoise est unique en Suisse romande. Fondée en 1872 pour lutter contre l'usure, elle bénéficie d'un monopole, octroyé par le Conseil d'Etat.
L'avantage par rapport à un crédit à la consommation? "C'est la rapidité. Et les gens ne s'endettent pas, parce qu'ils nous amènent une valeur qu'ils possèdent déjà", répond le Genevois.
Philippe Lugassy/fme
*Nom d'emprunt, qui a requis l'anonymat.