Les chiffres indiquent qu'à la mi-septembre, la Suisse a accordé une aide d'urgence liée au coronavirus s'élevant à 4,8% de son produit intérieur brut, contre 8,3% en Allemagne, 9,2% en Grande-Bretagne et même plus de 11% au Japon et aux Etats-Unis.
La Suisse, pays parmi les plus riches au monde, serait donc radine avec ses patrons? Pour Cédric Tille, professeur d'économie à l'IHEID de Genève, elle a plutôt un côté frugal, proche de ses sous et apeurée par la dette.
Une différence culturelle
Interrogé dans le 12h30, Rafael Lalive, professeur d'économie politique à HEC Lausanne, estime que la grande différence provient du fait que la Suisse a privilégié d'assurer le pouvoir d'achat: "On a étendu l'assurance chômage et facilité l'accès aux RHT, ce qui a pour conséquence que les personnes touchant un salaire peuvent consommer."
La différence serait donc avant tout culturelle. En Suisse, l'entrepreneur est considéré comme celui qui accepte de prendre un risque.
Cette logique est défendable dans une crise financière comme celle de 2008. Mais elle est plus discutable dans la crise sanitaire actuelle, juge Rafael Lalive. Et d'expliquer que les pays situés autour de la Suisse ont eux innové, estimant que cette crise était différente et qu'il fallait assurer la santé de tout le pays. Et que quand on ferme une entreprise, il faut aider l'entrepreneur.
Un décalage entre les mesures restrictives et les indemnisations
Marco Taddeï, responsable romand de l'Union patronale suisse interrogé dans Forum, relève que ce sont tout de même plusieurs dizaines de milliards qui ont été distribués aux entreprises et aux indépendants. Mais il cite tout de même certains cas de rigueur, comme la restauration, qui sont dans une situation alarmante.
Pierre-Yves Maillard, président de l'Union syndicale suisse, estime aussi que la situation est atypique et qu'une bonne partie de la société suisse s'en sort, parfois même mieux qu'avant, car certains secteurs profitent de la situation et une partie de la population a des garanties d'épargne parce que la consommation est moins importante.
"En revanche, ajoute le conseiller national socialiste, nous avons une concentration des dégâts sur une minorité de la population, ce qui est extrêmement dangereux." Et de citer les revenus précaires, indépendants et salariés, ceux qui voient leur épargne disparaître peu à peu, les entreprises qui menacent de disparaître et les personnes au chômage technique. "C'est cela que le Conseil fédéral n'a pas compris. Il fallait arriver avec des mesures pour éviter ces drames économiques, sociaux et humains", conclut-il.
Les deux hommes tombent aussi d'accord sur le fait que le problème vient d'un décalage entre les mesures restrictives et la mise en oeuvre des indemnisations. Et ils attendent à ce sujet des annonces de la part du Conseil fédéral dès ce mercredi.
>> Le débat entre Marco Taddeï, responsable romand de l'Union patronale suisse, et Pierre-Yves Maillard, président de l'Union syndicale suisse, dans Forum:
Julie Rausis/boi