"On a besoin de ces aides d'urgence maintenant", juge le président des hôteliers romands
Après avoir dirigé des hôtels à Berne, Corfou ou Zermatt, Jean-Jacques Gauer, 67 ans, a accepté de relever un défi de taille en reprenant les rênes de l'Association romande des hôteliers en ce début d'année.
L'intéressé avait refusé ce challenge il y a quelque temps déjà mais avec la pandémie, les candidats ont été rares. Pour cet homme d'expérience, cette situation rend même la tâche encore plus intéressante.
"A l'époque, j'avais décliné parce que je me sentais déjà un peu trop vieux, confie-t-il, mais on m'a demandé encore une fois de venir m'en occuper et je le fais avec beaucoup d'engagement et de passion. Je me suis dit que j'allais me donner 2-3 ans à plein pot et que c'était intéressant de faire ce job maintenant, pendant cette période", explique-t-il dans La Matinale.
Des aides qui vont dans le bon sens
La période est en effet complètement inédite. Depuis l'arrivée du coronavirus début 2020, le secteur de l'hôtellerie est sans doute l'un des plus touchés, avec l'arrêt presque net des voyages et du tourisme en général.
Les décisions du Conseil fédéral de mercredi représentent donc une véritable bouée de sauvetage. Avec un allégement des contraintes pour les aides d'urgence, les professionnels du secteur retrouvent un peu de baume au coeur, même si la situation reste sans surprise extrêmement compliquée. Jean-Jacques Gauer espère surtout que ce coup de pouce profitera aussi aux hôteliers et pas seulement aux restaurateurs.
A ses yeux, les aides vont dans le bon sens et il sera plus facile pour les restaurateurs et les hôteliers d'y avoir accès. "Il y a pourtant une immense différence entre les restaurateurs et l'hôtellerie, car nous n'avons pas été obligés de fermer. J'ose toutefois espérer qu'on sera traité de la même manière car il est clair que si un hôtel a un taux d'occupation entre 5 et 15%, il est quasiment à l'arrêt. Tout comme les restaurants, nous sommes donc quasiment fermés".
Au contraire de GastroSuisse, celui qui a dirigé pendant 20 ans le Lausanne Palace ne souhaite pas tirer de plan sur la comète en ce qui concerne les possibles faillites à venir. Il reconnaît toutefois que sur les 220 hôtels que compte son association, 30 ou 40 pourraient avoir des difficultés très graves rapidement. "On a donc besoin de ces aides d'urgence maintenant. On ne peut pas attendre encore trois mois", explique-t-il.
Une hôtellerie "plus adaptée, plus raisonnée"
Mais quid du monde d'après, quelles traces laissera cette pandémie sur le secteur hôtelier dans le long terme? Ces questions hantent de nombreux acteurs du tourisme: des restaurateurs, des hôteliers, des investisseurs. Avec la chute des voyages d'affaires, des vacances à l'étranger et le boom des nouvelles technologies, les clients seront-ils encore et toujours au rendez-vous une fois la crise passée?
Pour Jean-Jacques Gauer, le secteur ne devrait pas s'écrouler mais il sera sans doute forcé de s'adapter à ces nouvelles façon de consommer qui sont d'après lui appelées à perdurer, au moins en partie. Et d'estimer qu'il faudra au moins trois ans pour revenir à la normale.
"Cela commencera par l'augmentation du trafic aérien et les hôtels suivront, juge-t-il. Mais certaines manifestations ne se tiendront plus. On le voit à Genève mais aussi à Bâle où des choses se sont arrêtées. Je pense que les gens vont s'adapter à cette nouvelle situation (...) ils ont pris d'autres moyens de communication, d'autres façons d'échanger et je pense qu'une partie de ces choses vont rester."
Pour répondre à ces nouveaux phénomènes, Jean-Jacques Gauer plaide pour une hôtellerie "plus adaptée" et "plus raisonnée". Il reconnaît que dans certains endroits du pays, et également en Suisse romande, il y a eu une "surcapacité d'hôtels", avec un secteur peut-être un peu trop "optimiste".
"Pour l'ouverture d'un hôtel, il faut compter une décennie. Il faut donc réaliser que la perspective à l'époque n'était pas la même qu'aujourd'hui. Mais c'est pareil pour l'aviation ou pour les destinations balnéaires. Je pense qu'il faut devenir plus raisonnable dans ce qu'on fait.".
Vers la création d'un think tank
Pour essayer d'anticiper au mieux ces changements à venir, le président de l'Association romande des hôteliers évoque la création d'un groupe de réflexion.
"L'hôtellerie urbaine est la plus touchée dans cette histoire-là. Dans les prochaines semaines, nous allons créer un think tank où des personnes réfléchiront à savoir ce que ce secteur va devenir après la pandémie, que ce soit pour les cinq, les quatre, les trois ou les deux étoiles; une fois que tout le monde aura été vacciné et que les choses pourront reprendre peu à peu."
Mais pour Jean-Jacques Gauer, une chose apparaît déjà clairement. Le secteur va vers une réduction car d'après lui, les gens vont continuer à consommer plus local: "Ils vont rester davantage ici avant de partir à l'autre bout du monde. On a de très belles choses ici, et on peut également se relaxer. Je suis persuadé que ce changement d'habitudes va rester."
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Tristan Hertig