«Jamais depuis la parution de notre premier rapport en 1986, la
conjoncture des marchés mondiaux des matières premières n'a été
aussi tendue», a indiqué mardi devant la presse, le professeur
Philippe Chalmin. L'économiste français est responsable du rapport
Cyclope, l'étude de référence pour tous les marchés de matières
premières (pétrole, métaux, produits agricoles, arts, etc.).
Ci-dessous, interview intégrale de Philippe Chalmin par
Nicolas Rossé.
Sarkozy et Ziegler critiqués
Philippe Chalmin s'emportent contre les erreurs et les
contre-vérités véhiculées par "ceux qui ne comprennent pas grand
chose au marché des matières premières". L'économiste français
dénonce ainsi le discours simpliste du président Sarkozy sur les
spéculateurs ou les erreurs de Jean Ziegler sur les
biocarburants.
Crise inattendue
Tout le monde a été supris par l'intensité de la crise
financière déclenchée par «l'effet des subprimes américains» qui
s'est soldée par une crise de confiance. Résultat: les tremblements
s'accentuent, avec la flambée des prix des matières premières et
des produits de base, dans l'énergie et dans l'agriculture.
Vieux schéma ébranlé
Leur rareté ébranle le schéma de développement du XXIe siècle,
estiment les auteurs. «A court terme, les matières premières vont
continuer à évoluer de manière erratique et imprévisible», a ajouté
Pierre Glauser, responsable des activités de négoce international
du Groupe Crédit agricole.
Aux yeux des investisseurs, elles ont bel et bien acquis une
nouvelle dimension de valeur refuge. Cette situation, selon les
experts de CyclOpe, redonne vie à l'idée de l'économiste Keynes sur
la nécessité de créer un nouvel étalon monétaire assis sur un stock
de matières premières.
«Ce serait l'occasion, une fois pour toutes, d'intégrer la rareté
des ressources et de notre environnement dans les raisonnements
monétaires et financiers», a conclu Philippe Chalmin.
ats/afp/cab
Choc pétrolier et matières premières
Hausse fulgurante du baril de brut, pays consommateurs frappés de plein fouet: le monde est bien entré dans l'ère d'un 3e choc pétrolier selon Philippe Chalmin, bien plus complexe que ceux de 1973 et 1979.
Il aura fallu 5 ans (2003-2007) au baril de brut pour monter de 40 à 90 dollars, mais seulement six mois depuis début 2008 pour s'envoler de 100 à presque 140 dollars la semaine dernière. Morgan Stanley prévoit un baril à 150 dollars d'ici la fin de l'été, et le patron du géant gazier russe Gazprom table sur 250 dollars à plus longue échéance.
Les deux premiers chocs étaient de nature politique et concernaient l'offre (embargo de l'Opep en 1973, perturbation de la production en Iran en 1979).
Celui de 2008 comprend aussi des "facteurs politiques qui ont pesé sur l'offre: la grève de l'industrie pétrolière au Venezuela en 2002-2003, la guerre en Irak, et les troubles politiques au Nigeria", souligne Pierre Terzian, directeur de la revue Pétrostratégies.
Mais "la grande nouveauté, c'est l'explosion de la demande des pays émergents et dans une moindre mesure l'implication des acteurs financiers", qui investissent massivement sur les matières premières et le pétrole pour compenser la baisse de la Bourse et du dollar, conclut Philippe Chalmin.