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Les raisons qui ont poussé le Conseil fédéral à alléger (un peu) les mesures anti-Covid

Le Conseil fédéral a annoncé des premiers assouplissements.
Le Conseil fédéral a annoncé des premiers assouplissements. / 19h30 / 2 min. / le 17 février 2021
Malgré les craintes d'un rebond de l'épidémie de Covid-19, le Conseil fédéral souhaite alléger quelque peu les mesures de lutte contre le coronavirus. Le gouvernement faisait face à des pressions venues de toutes parts pour desserrer l'étau qui pèse sur l'économie et la société.

Après des semaines de semi-confinement et de limitation de la vie sociale, les pressions pour un allègement des restrictions se sont faites de plus en plus intenses ces derniers jours, alimentées par les milieux économiques, les partis de droite et une large frange de la population fatiguée par les mesures de lutte contre la pandémie de Covid-19.

Les plus intransigeants réclamaient une réouverture totale et immédiate. A l'opposé, certaines personnes, épidémiologistes en tête, prônaient le statu quo voire un durcissement face au risque d'une troisième vague. Au final, le Conseil fédéral prend la voie médiane. Il propose de desserrer légèrement l'étreinte tout en maintenant l'essentiel des mesures et présente un calendrier pour une reprise progressive des activités.

>> Lire : Réouverture des magasins et des musées, aides accrues - les nouvelles mesures du Conseil fédéral

Le plan du gouvernement, mis en consultation auprès des cantons, laisse entrevoir un coin de ciel bleu derrière les nuages. Il prévoit plusieurs allègements dont la réouverture dès le 1er mars des magasins et des musées, de même que les espaces extérieurs des zoos, des jardins botaniques et des installations de sport et de loisirs. Tour d'horizon des différents indicateurs qui ont motivé cet assouplissement.

LA SITUATION ÉCONOMIQUE

Depuis le début de la pandémie, la situation économique s'est fortement dégradée en Suisse. Le produit intérieur brut (PIB) a subi une perte lors des neuf premiers mois de 2020, avec notamment une chute historique de plus de 8% au deuxième trimestre par rapport à la même période de 2019. A titre de comparaison, la baisse avait atteint 3,1% au pire de la crise économique et financière de la fin des années 2000.

En ce qui concerne l'emploi, le nombre de chômeurs en Suisse était déjà reparti à la hausse avant l'arrivée du coronavirus, mais celle-ci a nettement accentué le mouvement. Entre janvier 2020 et janvier 2021, le nombre d'inscrits dans les offices régionaux de placement a crû de 40%, pour atteindre 170'000 personnes. Le taux de chômage est quant à lui passé de 2,61% à 3,66%. Il faut remonter plus de dix ans en arrière, en avril 2010, pour retrouver un taux plus élevé.

Mais la situation sur le front de l'emploi est encore plus fragile. Ces statistiques ne comprennent pas les centaines de milliers de travailleurs qui conservent leur poste grâce aux RHT. Près de 300'000 personnes étaient en effet au bénéfice des réductions de l'horaire de travail en novembre 2020, selon les derniers chiffres disponibles. Au plus fort de la crise, en avril 2020, ce chiffre culminait à plus de 1,3 million de personnes.

LES PRESSIONS POLITIQUES ET ÉCONOMIQUES

Ces derniers jours, les appels pour un assouplissement des mesures se sont multipliés. La crainte est de voir la crise économique empirer, via notamment une vague de faillites de grande ampleur. Ces pressions émanent des associations économiques et patronales, des cantons et des milieux politiques. Les partis de droite sont au premier plan, mais certaines voix de gauche se sont aussi fait entendre pour demander au gouvernement des perspectives.

Symbole de cette pression accrue, deux pétitions réunissant près de 300'000 signatures ont été remises lundi au Conseil fédéral. Lancée par des jeunes des partis bourgeois et soutenue par l'UDC, la première exige la levée du confinement, et notamment la réouverture des magasins, restaurants, bars et installations de loisirs. Le second texte demande que les restaurants puissent être utilisés comme des cantines pour les travailleurs qui n'ont pas "la chance de pouvoir prendre leur repas de midi bien au chaud".

>> Lire : Plus de 240'000 signatures remises à Berne pour la fin du confinement

LE RAS-LE-BOL DE LA POPULATION

Au-delà des pressions politiques, c'est la population elle-même qui exprime de plus en plus ouvertement son ras-le-bol. Et ça se traduit entre autres par une recrudescence des infractions aux règles édictées par les autorités. Le week-end dernier à Neuchâtel, la police a interrompu une fête illégale réunissant une centaine de personnes dans les locaux d'une société d'étudiants. Lundi à Einsiedeln (SZ), plus de 1000 personnes ont bravé les interdits en prenant part à un défilé de carnaval sauvage. Les forces de l'ordre ont distribué une centaine d'amendes.

Plus généralement, les manifestations contre le confinement se multiplient à travers la Suisse, tandis que les médias se font de plus en plus souvent l'écho de la lassitude de la jeunesse. Autre signe de la perte d'autorité du Conseil fédéral: les Suisses ont très peu modifié leurs habitudes de déplacement à la suite de l'introduction de l'obligation du télétravail à la mi-janvier, en comparaison de ce qui avait été constaté au printemps 2020.

>> Lire aussi : La mobilité des Romands révèle la faible réaction à la deuxième vague

>> Le sujet du 19h30 sur le ras-le-bol de la population :

Avant de décider de maintenir ou non les restrictions sanitaires, le conseil fédéral fait l'objet de multiples pressions.
Avant de décider de maintenir ou non les restrictions sanitaires, le conseil fédéral fait l'objet de multiples pressions. / 19h30 / 1 min. / le 16 février 2021

L'ÉTAT PSYCHOLOGIQUE DES SUISSES

A côté du ras-le-bol, un mal plus insidieux touche une part grandissante de la population: le stress psychologique. Ce mal-être a fortement augmenté au cours de la deuxième vague de Covid-19, selon une étude de l'Université de Bâle publiée en decembre. Alors que le pourcentage de personnes déclarant un stress maximal était de 11% pendant le semi-confinement du printemps, il est passé à 20% en novembre. Les jeunes sont particulièrement touchés et la Suisse romande est plus affectée que le reste du pays.

>> Les étudiants lancent l'alerte sur leur santé mentale :

Les étudiants en psychologie lancent l'alerte sur leur santé mentale.
Les étudiants en psychologie lancent l'alerte sur leur santé mentale. / 19h30 / 2 min. / le 17 février 2021

La proportion de personnes interrogées présentant des symptômes dépressifs graves a elle aussi fortement augmenté. De 3% avant la pandémie, elle est passée à 9% pendant le semi-confinement puis à 12% juste après. Lors de la deuxième vague, elle a grimpé à 18%. La prévalence des symptômes dépressifs diminue avec l'âge: limitée à 6% chez les seniors, elle atteignait près de 30% chez les jeunes de 14 à 24 ans.

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La pression due à un changement lié au Covid-19 au travail, à l'école ou dans la formation constitue l'un des principaux facteurs de stress psychologique et de symptômes dépressifs, constate l'étude. Parmi les autres facteurs, les auteurs citent le stress causé par les pertes financières, l'augmentation des conflits au sein du foyer et les craintes concernant l'avenir.

>> L'éclairage de Stephan Wenger, coprésident de la Fédération suisse des psychologues :

Explications de Stephan Wenger, Co-président de la Fédération Suisse des Psychologues.
Explications de Stephan Wenger, Co-président de la Fédération Suisse des Psychologues. / 19h30 / 2 min. / le 17 février 2021

LA SITUATION SANITAIRE

Enfin, le Conseil fédéral justifie également la réouverture partielle de l'économie par l'amélioration de la situation sur le front de la pandémie. Le nombre d'infections au SARS-CoV-2 est en baisse continue, mais lente, depuis plusieurs semaines, tout comme le taux de positivité des tests, le nombre de nouvelles hospitalisations et le nombre quotidien de décès.

Pour autant, le gouvernement a été très clair mercredi: en allégeant les mesures, la Suisse prend un risque. L'incidence en Suisse est de 193 cas pour 100'000 habitants sur les 14 derniers jours, très largement au-dessus de la limite d'alerte fixée l'été dernier par le Conseil fédéral (60). A Genève, l'incidence atteint même 325 cas pour 100'000 habitants. On reste loin, toutefois, des sommets vertigineux enregistrés à l'automne.

Les experts mettent cependant en garde contre un relâchement des mesures. La baisse totale des cas de Covid-19 cache en effet une augmentation de la proportion d'infection aux variants britannique (B.1.1.7) et sud-africain (B.1.351). Ces mutations, plus contagieuses, représentent 30% à 40% des cas au niveau suisse et environ 60%-70% des tests positifs à Genève. Sur cette base, les modèles épidémiologiques laissent présager d'un rebond des cas dans les prochaines semaines.

>> Pour en savoir plus :

Didier Kottelat

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