Pour le grand public, Greensill se fait connaître au moment où elle sombre: cette société était une pépite de la City, fondée en 2011 et qui, en quelques mois, est devenue un vrai boulet menaçant de faire trébucher plus d'une banque et qui se transforme, outre-Manche, en affaire d'Etat.
Cette société, fondée par un Australien nommé Lex Greensill, n'est pas une banque, mais une société financière spécialisée dans la trésorerie des entreprises. Elle prête aux entreprises l'argent pour qu'elles puissent payer leurs factures. Cela s'appelle le financement de la chaîne d'approvisionnement, ou l'affacturage.
Credit Suisse impliquée
Mais à 44 ans, le rêve de Lex Greensill de révolutionner la finance et d'aider les petites entreprises est en train de voler en éclats. Comptabilité douteuse, assureurs qui se retournent contre l'entreprise, Greensill semble s'effondrer comme un château de cartes et emporter dans sa chute un grand nombre de partenaires financiers.
Il souffle comme un fumet qui rappelle la crise du subprime: Greensill émettait des obligations adossées aux créances de certaines entreprises qu'elles géraient. Pour le dire simplement, elle titrisait les factures pour les revendre à des banques comme Credit Suisse, qui vient de suspendre un fonds de 10 milliards de dollars rempli de ces obligations. Et la banque suisse n'est pas la seule impliquée.
Aujourd'hui, une autre société concurrente est en phase de la racheter. Sauf que cela n'éteindra pas l'incendie: on estime que la chute de Greensill menace jusqu'à 50'000 emplois chez ses entreprises clientes.
De possibles répercussions colossales
C'est un scandale aux ramifications européennes. Le gendarme financier allemand, la Bafin, a déjà suspendu la filiale bancaire de Greensill outre-Rhin, pour risque de surendettement. La Suisse, l'Allemagne et, bien sûr, entre autres, le Royaume-Uni sont aussi éclaboussés par cette affaire.
Au Royaume-Uni, on craint des répercussions colossales sur l'emploi et l'économie. L'un des plus gros clients de Greensill n'est autre que Liberty Steel, le groupe sidérurgique en main du magnat Sanjeev Gupta et qui emploie 5000 salariés. Selon le Financial Times, le gouvernement britannique est préoccupé par cette situation. Boris Johnson pourra faire sonner le portable de son ancien rival David Cameron, désormais conseiller de Greensill.
Voilà un scandale financier dont les Britanniques se seraient bien passés au moment où la City de Londres perd de sa puissance, jour après jour depuis le Brexit.
Frédéric Mamaïs/boi