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Faillite de Lehman Brothers: contagion?

Lehman Brothers a entraîné la finance mondiale dans sa chute.
La faillite de Lehman Brothers fait craindre un effet domino.
La faillite de la banque d'affaires Lehman Brothers, l'un des fleurons de Wall Street, fait craindre une contagion de la crise financière peut-être la pire depuis un siècle à l'ensemble du système bancaire américain voire mondial.

Lehman Brothers a annoncé lundi qu'elle se plaçait sous la
protection de la loi américaine sur les faillites, dans l'espoir de
se restructurer, tandis qu'un autre grand nom de la finance menacé
de banqueroute, Merrill Lynch, est racheté par Bank of America
(voir "Avis de tempête sur la finance américaine" ).

"Un choc"

"C'est un choc", a déclaré la ministre française de l'Economie
Christine Lagarde. C'est "un événement qui se produit une fois tous
les cinquante ans, probablement une fois par siècle", a renchéri
Alan Greenspan, l'ancien président de la Réserve fédérale
américaine (Fed).



Pour Elie Cohen, professeur d'économie à Sciences Po Paris et
directeur de recherche au CNRS, "on est en plein saut dans
l'inconnu car c'est la première fois qu'on voit une banque majeure
faire défaut".



On est "dans un scénario catastrophe au ralenti depuis plus d'un
an", vu la quasi paralysie du marché interbancaire, la remontée des
taux d'emprunt, et le brutal ralentissement des économies
occidentales, constate Michel Aglietta, professeur d'économie à
l'Université de Nanterre.

Risque de chaos

"Si on laisse dans le désordre se dénouer une faillite" comme
celle de Lehman, "l'ensemble du système financier entrera dans le
chaos", prévient-il. Les risques d'effondrement du système
financier mondial "existaient déjà après le sauvetage de la banque
Bear Stearns", rachetée in extremis par JP Morgan en mars sous
l'égide de la Fed, explique-t-il. Mais "depuis début septembre, la
crise s'approfondit avec les problèmes des grosses agences de
crédit immobilier américaines", Fannie Mae et Freddie Mac, mises
sous tutelle par le gouvernement américain, ajoute-t-il.



La Fed et le Trésor n'ont cette fois-ci pas orchestré de sauvetage
public de Lehman, mais la banque centrale américaine a "étendu de
manière extraordinaire les lignes de crédit qu'elle donne aux
banques" pour éviter une paralysie totale du marché du crédit,
poursuit M. Aglietta.

70 milliards

Dix grandes banques américaines et internationales ont par
ailleurs pris l'initiative de mettre en place un fonds de 70
milliards de dollars, dans lequel elles pourront puiser si elles se
retrouvent à court de liquidités.



Le Prix Nobel d'Economie Joseph Stiglitz juge quant à lui que si
la Fed et le Trésor américain ont décidé de ne pas financer sur les
deniers publics un sauvetage de Lehman Brothers, c'est qu'il n'y a
pas de "risque systémique à court terme".



Laurent Quignon, économiste de BNP-Paribas, estime lui aussi que
le risque d'effondrement du système financier "est assez modéré".
"On peut difficilement imaginer que les autorités américaines
laissent se multiplier les faillites", dit-il, présageant que si
les discussions avec le secteur privé n'aboutissent pas pour
recapitaliser Lehman, une nationalisation sera envisagée. "On a
déjà eu des crises bancaires colossales au Japon, en Suède ou en
Norvège, et la solution a été la nationalisation",
rappelle-t-il.

Confiance de Stiglitz

Josef Stiglitz s'attend toutefois dans les prochaines semaines à
une détérioration des marchés boursiers et immobiliers. Mais "nous
disposons aujourd'hui d'outils en matière de politique fiscale et
monétaire pour éviter une autre Grande Dépression", et l'on peut
donc attendre un "fort ralentissement" à l'échelle mondiale mais
pas de cascade de faillites bancaires.



Un avis partagé par Michel Aglietta, qui conclut qu'il faut
cependant s'attendre à une envolée des déficits budgétaires, aux
Etats-Unis comme en Europe, où "tous les éléments du Pacte de
stabilité vont sans doute sauter".



afp/cht

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Obama et McCain réagissent

La crise bancaire qui secoue les Etats-Unis a remis l'économie au coeur de la campagne présidentielle. Les deux candidats à la Maison Blanche ont saisi lundi cette occasion pour tenter de convaincre des Américains angoissés qu'ils ont une solution.

Le démocrate Barack Obama a plaidé pour l'intervention de l'Etat afin de réguler les marchés, tandis que son adversaire républicain, John McCain, tout en souhaitant «réformer» Wall Street, s'est réjoui que l'Etat n'ait pas injecté l'argent du contribuable pour renflouer la banque Lehman Brothers.

En campagne en Floride, le candidat républicain a affirmé que «les éléments fondamentaux de l'économie sont solides» et que la crise bancaire «n'était pas de la faute des Américains». A 50 jours de l'élection, il a estimé que la responsabilité de la crise était à rechercher du côté des «intérêts particuliers, de la cupidité, de l'irresponsabilité et de la corruption qui ont miné le dur labeur des Américains». S'il est élu président, il a promis de «mettre fin aux abus» constatés à Washington et Wall Street.

«Je pense que McCain ne comprend pas. Sinon pourquoi dirait-il aujourd'hui, comme tous les autres jours, que les fondamentaux de notre économie sont solides», a rétorqué Barack Obama en campagne dans le Colorado. Plus tôt, le candidat démocrate avait qualifié la crise bancaire de «menace majeure» pour l'économie américaine.

«Huit ans d'une politique qui a mis en lambeaux la protection des consommateurs, affaibli la surveillance et les réglementations et encouragé les grosses primes pour les dirigeants d'entreprises tout en ignorant la classe moyenne nous ont menés à la crise financière la plus grave depuis la Grande dépression (de 1929)», a estimé M. Obama dans un communiqué.

Le candidat démocrate a plaidé pour la mise en place d'une «réglementation qui protège les investisseurs et les consommateurs». Il a dénoncé la «philosophie économique» de l'administration Bush qui, selon lui, «consiste à se cacher la tête dans le sable en ignorant les problèmes économiques jusqu'à ce qu'ils se transforment en crise».

L'économie est le principal sujet de préoccupation des électeurs américains et la crise bancaire devrait renforcer ce sentiment. Selon un sondage publié jeudi, 47 % des Américains font plutôt confiance à M. Obama pour régler les problèmes économiques tandis que 42 % font confiance à M. McCain.