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"Dieselgate", les clients suisses de VW pas près d'être dédommagés

Onze millions de voitures truquées. Vingt milliards d’euros d’amende pour VW rien qu'aux Etats-Unis, dont le ministère de la Justice considère Martin Winterkorn, ex-CEO du groupe, comme un fugitif. En Allemagne, le "Dieselgate" est le plus le plus gros scandale industriel de l’après-guerre. En Suisse, personne n'a pour l'instant été dédommagé (voir encadré).

Entre 2009 et 2015, le groupe Volkswagen (Audi, Seat, Škoda, Porsche, etc.) use d'un stratagème visant à réduire artificiellement (voir encadré) les émissions polluantes de certains de ses moteurs diesel. L'affaire éclate au grand jour durant l’été 2015, grâce à un employé du Bureau de contrôle de la qualité de l'air californien. Celui-ci révèle que lors des tests effectués, le niveau d’émissions polluantes était jusqu'à 50 fois supérieur à celui attendu.

Deux ans plus tard, en janvier 2017, Oliver Schmidt est arrêté par des agents du FBI dans les toilettes d'un aéroport de Floride. Traduit en justice, ce cadre supérieur de VW travaillant aux Etats-Unis écope de sept ans de prison et 400'000 dollars d’amende. Il est reconnu coupable de conspiration pour fraude et d’infraction à la législation sur l’environnement.

Dommages et poursuites judiciaires

Selon la loi en vigueur dans leur pays d'origine, le versement de dommages aux acheteurs varie fortement. Les clients américains de véhicules VW concernés par la fraude ont reçu en moyenne 20'000 francs chacun. En Allemagne, un accord a été trouvé en février 2020: entre 1400 francs et 6600 francs par véhicule, en fonction de son type et de son âge. La mesure concerne 400'000 personnes. En Suisse, l'association de consommateurs SKS, qui avait lancé une procédure d'indemnisation pour 6000 propriétaires, a vu sa demande rejetée par un tribunal zurichois en décembre 2019.

Au niveau judiciaire, les dirigeants du groupe Volkswagen s'en tirent mieux en Europe qu'aux Etats-Unis. Aucun d’entre eux n'a été condamné jusqu'ici. Herbert Diess, PDG du groupe et Hans Dieter Pötsch, président du conseil de surveillance, ont évité un procès en 2020 grâce à un accord avec la justice allemande incluant le versement de 9 millions d’euros, payés par VW.

Les déboires judiciaires des leaders du groupe ne sont pas terminés pour autant. Martin Winterkorn, grand patron de VW au moment des faits, et quatre autres anciens responsables seront jugés en septembre de cette année à Brunswick, au nord de l'Allemagne. Ils devront faire face à des accusations de fraude en bande organisée et fraude fiscale aggravée.

Au-delà de VW, c’est un pan entier de l’industrie allemande qui est montré du doigt dans cette affaire. Selon les témoignages recueillis dans le documentaire "#Dieselgate", la multinationale Bosch par exemple serait également impliquée. En effet, même si elle réfute toute responsabilité, c'est elle qui fournissait à VW les unités de contrôle incriminées. Dans ce boîtier, véritable "cerveau" des voitures modernes, un logiciel permettait d'activer, ou non, le dispositif de dépollution des gaz d’échappement.

L'unité de commande du moteur, dispositif fourni par Bosch qui contenait le logiciel truqueur (photo tirée du film "#Dieselgate")
L'unité de commande du moteur, dispositif fourni par Bosch qui contenait le logiciel truqueur (photo tirée du film "#Dieselgate")

Lanceur d'alerte sacrifié

C'est justement chez Bosch que travaillait Karsten Vom Bruch, ingénieur spécialisé dans les échappements et héros malheureux du documentaire "#Dieselgate". Il comprend que quelque chose cloche et en parle ouvertement sur l’intranet de sa société. Karsten sera le seul à dire tout haut ce que d’autres pensent tout bas et en payera le prix. Licencié sans préavis pour faute grave, il attend onze mois un certificat de travail exécrable.

En Allemagne, un lanceur d’alerte peut dénoncer des comportements illégaux puis être licencié pour avoir rompu la relation de confiance avec son employeur. La position d'un lanceur d'alerte diffère aux Etats-Unis puisqu'il reçoit un pourcentage des sanctions financières versées à l'Etat. Même s'il perd son emploi en alertant les autorités, et à condition que les pratiques illégales qu'il dénonce soient avérées, il se retrouve à l’abri du besoin.

Selon Oliver Krischer, membre de la commission d’enquête allemande sur les gaz d’échappement, les personnages-clé de l'affaire n'éprouvent aucun sentiment de responsabilité. Pour lui, Martin Winterkorn, qui nie avoir été au courant des pratiques illégales du groupe, se serait même senti insulté. Il n’aurait pas supporté d’être considéré comme coupable et semble ne même pas voir où est le problème. Oliver Krischer va jusqu’à mettre en cause Angela Merkel pour avoir "détourné le regard, être restée passive pour ne surtout faire de mal à personne". Selon lui, le silence de la chancelière fédérale en dit long sur l’influence de l’industrie automobile allemande.

Les Documentaires RTS, Franck Sarfati

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Comment le niveau d’émission de gaz d'échappement était truqué

L’unité de commande du moteur est un boîtier logé sous le capot, derrière les essuie-glaces. C'est grâce à ce dispositif électronique que sont effectuées toutes les commandes d'entraînement du véhicule. Dans le cas des diesels VW, le boîtier cachait aussi un logiciel qui, lorsqu'il détectait les cycles d’un test anti-pollution, déclenchait un mécanisme de limitation des gaz polluants, en particulier des oxydes d'azote (NOx). Une fois le test terminé, le mécanisme se désactivait et le véhicule libérait à nouveau davantage de gaz polluants.

180'000 véhicules potentiellement concernés en Suisse

En 2019, sur le plateau du journal de 19h30, Me Fanny Roulet se plaignait des lenteurs du Ministère public de la Confédération (MPC). Contactée, l'avocate genevoise constate que depuis lors, rien n'a bougé. Le MPC l'a informée fin 2020 que des auditions seraient menées mais aucune convocation n'a été envoyée à ce jour. Me Roulet rappelle qu'en Suisse, faute de procès, la culpabilité de VW dans cette affaire n'est toujours pas reconnue. Elle ajoute que, quelle que soit l'issue du jugement, un recours sera déposé. L'affaire est donc loin d'être réglée.

>> Revoir son interview dans le 19h30 :

Fanny Roulet, avocate "Je déplore la lenteur du Ministère public de la Confédération, très peu proactif dans cette affaire."
Fanny Roulet, avocate "Je déplore la lenteur du Ministère public de la Confédération, très peu proactif dans cette affaire." / 19h30 / 2 min. / le 30 septembre 2019