La date butoir approche pour le secteur des technologies médicales et ses 60'000 emplois en Suisse. Dans exactement trois semaines, le 26 mai prochain, échoira l'accord de reconnaissance mutuelle (ARM) entre la Suisse et l'Union européenne (UE).
L'ARM ouvre le marché pour de nombreux produits industriels, parmi lesquels figurent les dispositifs médicaux. Ces derniers font l'objet d'un durcissement de la réglementation au sein de l'UE, qui entrera en vigueur le 26 mai 2021. Il faut donc réactualiser l'accord, mais Bruxelles refuse la mise à jour adoptée par la Suisse tant que l'accord-cadre n'est pas signé.
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Période transitoire sur la table
En coulisses toutefois, les négociations se poursuivent. Le 31 mars, la Commission européenne a fait une offre à la Suisse, proposant une solution transitoire, relayée par Natalie Sleeman, la Première conseillère de la délégation de l'UE à Berne, dans un tweet:
"Les certificats déjà délivrés pour des dispositifs médicaux existants dans le cadre de l'ARM resteront en vigueur après le 26 mai". Tous les certificats existants resteront donc valables jusqu'à leur date d'expiration, mais au plus tard le 27 mai 2024.
Le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) a confirmé à la RTS qu'une proposition permettant à la Suisse de bénéficier de la période transitoire valables dans l'UE a été faite. Mais l'offre ne serait pas aussi alléchante qu'il n'y paraît: "Pour l'instant, cette proposition couvre moins de 5% des dispositifs médicaux suisses exportés vers l'UE. La Suisse a fait des propositions afin de trouver une solution satisfaisante. Les discussions sont en cours", souligne le porte-parole du SECO, Fabian Maienfisch.
"Pas un cadeau"
Pour Daniel Delfosse, responsable des affaires réglementaires chez Swiss Medtech, la proposition européenne, est "une offre, mais ce n'est pas un cadeau. Un cadeau aurait été de pouvoir continuer d'échanger nos produits d'une manière privilégiée entre les deux marchés. Or, ce n'est pas le cas".
Le représentant de la branche laisse par ailleurs entendre que cette proposition serait assortie de conditions. "La proposition n'est pas ce qu'on aurait voulu, mais c'est tout de même positif. Cela signifie qu'on est en train de négocier. Peut-être qu'on va encore trouver un bon accord", espère Daniel Delfosse.
Trop tard
Florent Plé, le directeur général de l'entreprise Symbios à Yverdon-les-Bains (VD), s'est préparé depuis plusieurs mois à la fin de la reconnaissance mutuelle avec l'UE. Le géant des implants orthopédiques exporte environ 80% de sa production en Europe. Il a donc déjà fourni l'effort logistique, financier et fiscal pour commercialiser ses produits via une filiale française. Il se réjouit que des discussions aient lieu, même si pour lui une négociation de dernière minute avec Bruxelles arriverait trop tard: "On ne peut pas prendre le risque d'attendre un résultat hypothétique. Le mal est fait, on ne fera pas machine arrière compte tenu de ce qui a été demandé comme effort."
Plus de 100 millions de francs auraient déjà été dépensés par les entreprises suisses pour recourir à un système de mandataire au sein de l'UE, selon Swiss Medtech. L'offre de l'UE arriverait donc trop tard. "Plus tard l'offre arrive, moins elle a de valeur, estime Daniel Delfosse. Car les sociétés ont déjà installé leur mandataire. Mais toutes les entreprises n'ont pas encore pu le faire. Il y a donc encore une certaine valeur à la proposition".
86 certifications suisses
S'agirait-il des 5% des produits concernés par l'offre, dont parlait le SECO? Fabian Maienfisch n'a pas souhaité en dire davantage alors que les négociations courent toujours. Mais d'après Daniel Delfosse, la plupart des produits fabriqués en Suisse sont désormais certifiés par des organismes notifiés européens.
En Suisse, il ne reste qu'une entreprise de certification des dispositifs médicaux. Il s'agit de SQS, située dans le canton de Berne. Si aucun accord n'est trouvé, elle ne sera plus reconnue dans l'UE dès le 26 mai. Pour son directeur, Felix Müller, "il est urgent de trouver une solution pour, au minimum, obtenir une période de transition. Sans accord, nous serions obligés d'opter pour un plan B coûteux ou de renoncer à notre activité en tant qu'organisme notifié. Le marché suisse n'est pas assez grand pour avoir une analyse de rentabilisation intéressante, pour nous, mais aussi pour nos clients."
Selon SQS, il existe actuellement 86 certifications suisses pour environ 1400 dispositifs médicaux différents. Felix Müller précise que la quasi-totalité pourrait profiter de la période de transition jusqu'en 2024. Seuls quelques-uns d'entre eux expirent à une date antérieure.
En attendant, une nouvelle proposition est sur la table des discussions prévues ce jeudi à Bruxelles. Il faudra faire vite, car le verdict est attendu au plus tard le 19 mai, date de la dernière séance du Conseil fédéral avant l'échéance.
Feriel Mestiri, avec Pascal Jeannerat et Isabelle Ory