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L'industrie exportatrice appréhende sa mise au ban du marché européen

Les entreprises suisses devront s'adapter à de nouvelles normes après l'abandon de l'accord-cadre
Les entreprises suisses devront s'adapter à de nouvelles normes après l'abandon de l'accord-cadre / 19h30 / 2 min. / le 27 mai 2021
Avec l'abandon mercredi des négociations sur l'accord-cadre avec l'Union européenne, de nombreuses entreprises suisses ont perdu ou vont perdre leur libre accès au marché européen. La Suisse doit donc désormais en évaluer les conséquences concrètes.

Le Conseil fédéral a annoncé mercredi qu'il mettait un terme aux négociations en vue de la signature de l'Accord institutionnel entre la Suisse et l'Union européenne, dit accord-cadre. En projet depuis le début des années 2000, il visait notamment à remettre à jour les différents accords bilatéraux passés entre les deux entités.

>> Lire aussi : Le Conseil fédéral enterre l'accord-cadre avec l'Union européenne

Pour Bruxelles, l'accord-cadre était la condition pour accéder pleinement au marché unique européen, crucial pour certains exportateurs suisses, à l'image du secteur des technologies médicales (Med Tech), qui compte environ 1400 sociétés en Suisse.

Les capacités d'adaptation à l'épreuve

Concrètement, les entreprises actives dans plusieurs domaines exportateurs devront avoir recours à un représentant légal au sein de l’Union européenne. Ce mandataire, désormais obligatoire, pourrait engendrer d'importantes charges administratives.

Ces coûts supplémentaires sont estimés par Swiss MedTech à 114 millions de francs dans un premier temps, puis à 75 millions chaque année. Dans ces conditions, le Dr. Daniel Delfosse, responsable des affaires réglementaires chez Swiss Medtech, craint que la Suisse devienne moins attractive.

Mais de son côté, le journaliste et essayiste spécialisé François Schaller se montre plus optimiste. "On sous-estime complètement la capacité d'adaptation des industries d'exportation. Ces dernières années, elles ont surmonté un choc monétaire de près de 30%", en raison du franc fort, rappelle-t-il.

Fermeté des syndicats

La volonté de protéger le niveau des salaires en Suisse figure parmi les points d'achoppements qui ont conduit à l'abandon de l'accord. Tout au long des négociations entre Berne et Bruxelles, les syndicats en Suisse sont restés fermement opposés aux dispositions spécifiques à ce domaine, prévues dans le traité, y voyant une grave menace pour le droit des travailleurs en Suisse.

Cette posture a créé une rupture entre les syndicats et leurs traditionnels soutiens politiques, notamment le Parti socialiste. Dans Forum, François Cherix (PS), président de la commission politique du Mouvement européen suisse, estime que l'abandon de l'accord-cadre pourrait aboutir à une flexibilisation du marché du travail en Suisse, afin de maintenir sa "compétitivité".

>> Le débat de Forum entre Pierre-Yves Maillard, président de l'Union syndicale suisse, et de François Cherix, président de la commission politique du Mouvement européen suisse :

Les syndicats se sont-ils tiré une balle dans le pied sur l'accord-cadre?
Les syndicats se sont-ils tiré une balle dans le pied sur l'accord-cadre? / Forum / 7 min. / le 27 mai 2021

"Il y a de l'appréhension, mais il ne faut pas chercher des coupables"

Questionné à ce sujet, Patrick Linder, directeur de la Chambre d'économie du Jura bernois, estime pour sa part que "la paix du travail est un avantage comparatif important pour l'économie suisse". Pour lui, "la priorité n'est donc pas de chercher des coupables" entre les syndicats et les milieux patronaux.

Il dit toutefois avoir reçu la décision du Conseil fédéral "avec un peu de stupeur, de consternation, puis avec amertume, parce qu'il y a beaucoup d'appréhension dans l'industrie". Dans le Jura bernois par exemple, explique-t-il,  une région au tissu économique très dépendant des exportations, l'UE représente environ 60% des exportations dans le secteur des machine-outils.

Et Patrick Linder d'ajouter: "Les entreprises n'avaient pas besoin de ça maintenant, alors que les effets du franc fort continuent de se faire sentir, et ceux de la pandémie également". Il appelle désormais le Conseil fédéral à "assumer les effets de sa décisions".

>> Revoir l'interview de Patrick Linder dans Forum :

Les syndicats se sont-ils tiré une balle dans le pied sur l'accord-cadre?
Les syndicats se sont-ils tiré une balle dans le pied sur l'accord-cadre? / Forum / 7 min. / le 27 mai 2021

>> Lire également : Réactions politiques en Suisse suite à l'abandon de l'accord-cadre avec l'UE

Sujet TV: Léa Jelmini

Adaptation web: jop

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Les régions transfrontalières inquiètes

De leur côté, les régions frontalières craignent pour la compétitivité de leur économie. Le Conseil d'Etat genevois note que la détérioration des conditions cadres se profile d'ores et déjà pour certains domaines.

"Des relations stables et constructives avec l'UE sont indispensables au canton de Genève, à son tissu économique ouvert et innovant, ses institutions de formation et de recherche, son statut international et son assise transfrontalière", a indiqué le conseiller d'Etat délégué aux affaires européennes, régionales et fédérales Serge Dal Busco.

"Le statu quo ne peut engendrer qu'une érosion des accords bilatéraux et de notre accès au marché européen", écrit-il. Les services compétents de l'Etat de Genève sont en contact étroit pour évaluer toute action qui permettrait d'atténuer les conséquences de cette décision, précise encore le magistrat.

Selon Vincent Subilia, directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève et député PLR, il est toutefois encore trop tôt pour connaître l'impact qu'aura la rupture des négociations. "S'il n'y aura pas de conséquences dans l'immédiat sur la libre circulation des personnes, le signal est préoccupant à long terme", relève-t-il. (ats)