Depuis cette annonce, un cas en particulier a fait beaucoup parler: celui d'Amazon. Le géant du commerce en ligne fait partie des multinationales visées par ce projet. Or, il semblerait qu'avec le projet en l'état, l'entreprise de Jeff Bezos pourrait échapper à cet impôt mondial.
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"Sur quoi allons-nous taxer?"
"La question est de savoir sur quoi on va taxer", explique Xavier Oberson, avocat et professeur de droit fiscal suisse et international à la Faculté de droit de l'Université de Genève, dans l'émission Tout un monde.
"Selon les travaux en cours, on parle d'une base consolidée, à savoir les comptes de toutes les filiales réunies. S'il y a des pertes, il n'y a pas de bénéfice imposable. Cela pourrait signifier que certaines grandes entreprises, qui font systématiquement des pertes, pourraient échapper à cette imposition", développe le spécialiste.
Face à un tel scénario, le G7 pourrait décider de traiter Amazon Web Services - division du groupe Amazon qui génère un taux de profit de 30%, contre 3% pour le commerce en ligne -, comme une entité à part, avance le Financial Times.
Pour Xavier Oberson, cette piste est "réaliste", mais complexe: "Si on commence à sortir les filiales d'une entreprise, vous devez le faire pour tout le monde. Il y a aussi une règle qui dit que le seuil d'imposition serait à peu près de 750 millions d'euros. Donc une multinationale qui l'aurait dépassé pourrait se dire que c'est mieux de morceler l'entreprise pour être en-dessous".
"Intéressant de voir la réaction de la Chine et de l'Inde"
Le G7 a donné les grands principes de cette imposition mondiale. Prochaines étapes déterminantes: le G20, puis l'OCDE.
"La Chine et l'Inde, qui sont des acteurs majeurs dans cette discussion, ne font pas partie du G7, mais sont dans le G20. Il sera intéressant de voir leur réaction, même si je peux imaginer qu'il y a déjà dû y avoir des discussions préalables et que ce projet a des chances d'aboutir", estime le professeur de l'UniGE.
L'idée c'est de dire qu'un autre Etat pourrait reprendre le bénéfice d'une entreprise dans un autre pays et l'imposer chez lui
De même, quelques pays européens se sont montrés récalcitrants. "On a entendu des réactions négatives en Irlande, en Hongrie, à Chypre, qui ont des taux d'imposition plus bas", relève Xavier Oberson.
Le spécialiste en droit fiscal précise que ces pays pourraient être des exceptions en conservant leur taux, mais un mécanisme de rattrapage permettrait à un autre Etat de taxer la différence, moyennant le fait qu'une filiale soit sur son sol, afin d'atteindre le taux minimal de 15% évoqué dans le projet du G7.
"L'idée c'est de dire qu'un autre Etat pourrait reprendre le bénéfice d'une entreprise dans un autre pays et l'imposer chez lui", résume-t-il.
La mise en place de cet impôt mondial pourrait signifier la fin des paradis fiscaux.
"Pour ce qui est de l'impôt sur les bénéfices, c'est une avancée majeure. Mais il resterait le taux d'imposition sur le revenu qui est complètement libre. Idem pour les impôts indirects comme la TVA", explique le professeur Oberson.
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Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Adaptation web: Jérémie Favre
Projet salué par les multinationales
Parmi les multinationales concernées par ce projet, Amazon y voit un pas en avant bienvenu: "Nous croyons en un processus qui apportera de la stabilité au système fiscal international", a communiqué l'entreprise dans une déclaration officielle.
Facebook salue un pas vers plus de prévisibilité et un moyen de renforcer la confiance du public dans le système fiscal international. Pour sa part, Google dit soutenir les efforts pour mettre à jour les règles fiscales internationales.
Et Xavier Oberson de rappeler que le taux de 15%, appelé "Pilier 2", n'est qu'une partie d'un grand projet de l'OCDE.
"Il y a un autre projet qui se discute en parallèle et dont on a moins parlé, c'est le 'Pilier 1', qui est une autre révolution et qui concerne justement les grandes entreprises du numérique. On donnerait beaucoup plus de droits d'imposition dans l'Etat où se trouvent les utilisateurs des réseaux sociaux, ce qui poserait plus de problèmes aux GAFAM", explique-t-il, en s'interrogeant sur une éventuelle stratégie de leur part.