Le développement du géant français se veut prudent, sur plusieurs années, selon une logistique parfaitement rodée. Mais quatre ans après l'ouverture de son premier magasin en Suisse romande, le géant français du sport souhaite accélérer son expansion. Après la reprise en 2018 des 23 enseignes Athleticum à la holding familiale genevoise Maus Frères, l'enseigne veut désormais gagner en notoriété sur l'ensemble du territoire helvétique.
"Stratégiquement c'était un choix marqué de venir d'abord en Suisse romande. Notre notoriété était plus grande de ce côté-là de la Suisse. Maintenant, il est clair que l'accélération est encore plus forte en Suisse alémanique", précise à la RTS Mike Lefebvre, responsable régional chez Decathlon Suisse.
Toujours plus grand
Lorsque l'enseigne française avait mis la main sur les magasins Athleticum, il projetait de doubler les effectifs. De 455 collaborateurs en 2018, Decathlon en compte aujourd'hui 850 et souhaite en recruter 200 supplémentaires.
Le centre de logistique en Suisse, situé à Onnens (VD), s'étale sur 23'000 mètres carré. Il livre quotidiennement les 24 magasins et traite les achats en ligne. Mais l'entrepôt gigantesque, dont les rayons débordent du sol au plafond, a la capacité de s'agrandir davantage, en fonction de sa croissance dans le pays.
Pas de sous-enchère
Cette prise de part de marché croissante mettra-t-elle sous pression les petits magasins? Pas vraiment, selon François Cruchon, président de l'Association suisse des magasins d'articles de sport VD-FR. Depuis sa boutique François Sports à Morges (VD), il admet que Decathlon représente un concurrent sérieux, mais qu'il y aura toujours une place pour les magasins de sports spécialisés.
"Quand vous achetez des chaussures de jogging à 30 ou à 39 francs, elles vont être utilisées peut-être pour aller se promener en ville, pour aller à la déchetterie ou tondre le gazon. Mais pas forcément pour faire du jogging. A l'arrivée de Morat-Fribourg, on en voit très peu qui courent sur des chaussures de ce type", illustre-t-il.
La chaîne française qualifiée parfois de low cost du sport exclut toute sous-enchère sur les produits: "Nous concevons nous-mêmes nos produits et maîtrisons toute la chaîne, de la conception à la logistique en passant par la production. C'est comme ça que nous arrivons à avoir des produits avec le meilleur rapport qualité-prix possible", souligne Mike Lefebvre.
Loin du podium
Avec 85% de ses marques propres vendues à bas prix, la marque française s'attaque ainsi au leader du marché, Ochsner Sport, propriété du groupe allemand Deichmann. Pour Nicolas Inglard, directeur d’Imadeo, il faut toutefois relativiser les ambitions de la marque française: "Decathlon a certes gagné du temps en rachetant le réseau Atleticum. Mais aujourd'hui, ils ont une vingtaine de points de vente, alors que le leader du marché en compte une centaine.
En mettant en avant des prix agressifs, Decathlon fait indéniablement office de discounter en Suisse. Et la crise sanitaire lui a été profitable. La fermeture des fitness a poussé de nombreux sportifs à s'équiper d'haltères et autres équipements de sport en extérieur. Des achats éphémères, pour lesquels il n'est pas nécessaire d'opter pour la meilleure qualité.
Selon le spécialiste du commerce de détail Nicolas Inglard, le rapport qualité-prix est "effectivement excellent" dans ce qu'ils proposent, mais "quand on cherche des produits très spécifiques, haut de gamme, ce n'est pas forcément chez Décathlon qu'on va les trouver".
Tandis que plusieurs groupes français n'ont fait qu'un feu de paille sur le marché suisse, la démarche expansionniste de Decathlon semble sérieuse. Le groupe, présent dans 64 pays, a réalisé un chiffre d’affaires de 11,4 milliards d’euros en 2020. Reste à voir si la conquête de la Suisse alémanique lui permettra de ravir la première place à Deichmann.
Estelle Braconnier et Feriel Mestiri