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Les Suisses boudent le cash au grand dam des petits commerçants

Les frais liés à l'utilisation des cartes de paiement augmentent. Les commerçants sont inquiets
Les frais liés à l'utilisation des cartes de paiement augmentent. Les commerçants sont inquiets / 19h30 / 2 min. / le 23 juin 2021
Notre manière d'acheter évolue à grand pas vers le paiement sans contact. Ce bouleversement a un coût, assumé par les commerçants. Déjà lourdement touchés par la pandémie, ils font face à une augmentation du volume des commissions.

"Le pourcentage des commissions des transactions par cartes bancaires a baissé, de 3,4% en 2000 à 1,7% aujourd'hui. Mais le volume a augmenté. Donc si je compte combien on a perdu, c'est assez conséquent", affirme à la RTS Cécile Hussain-Khan, propriétaire d'une boutique de vêtements à Morges (VD).

Selon une enquête publiée mercredi par la Banque nationale suisse (BNS), les cartes de débit ont effectivement remplacé le cash comme moyen de paiement préféré dans les points de vente (lire en encadré). L'évolution des habitudes a encore été accélérée par la pandémie de Covid-19, qui a incité la population à régler ses achats sans contact.

Nouvelles commissions

En fouillant dans ses papiers, Cécile Hussain-Khan témoigne de cette révolution. "En 2003, environ 40% des paiements dans mon magasin étaient effectués avec des cartes de crédit ou de débit. Aujourd'hui, on est arrivé à 71%. Et c'est encore en train de monter".

Cette commerçante, qui est également présidente de la Fédération vaudoise du commerce de détail, souhaite lancer une campagne de sensibilisation pour favoriser les paiements en cash. Pour les commerçants, surtout les petits, ces paiements électroniques coûtent de plus en plus cher.

"Une machine classique coûte environ 1490 francs à l'achat. Ensuite, il faut payer chaque année un droit d'utilisation de la machine, qui va de 90 à 495 francs, selon les prestations de dépannage. Sans compter les 90 francs pour activer la machine et le papier thermique, qui coûte une fortune. Et finalement, il y a les commissions à la banque, qui est derrière la machine. Elles sont variables selon le type de carte", énumère Cécile Hussain-Khan.

Pour les petits détaillants, les affaires se sont corsées avec l'arrivée des nouvelles cartes de débit, destinées à remplacer les traditionnelles cartes Maestro. Celles-ci facturent aux commerçants un montant de base moins élevé (10 centimes, contre 26 pour la Maestro), mais ajoutent une commission sur le prix de vente, qui s'élève à 0,5% pour MasterCard et 1% pour Visa. Des commissions réparties entre la banque et l'opérateur.

>> Revoir le sujet d'ABE sur les nouvelles cartes de débit :

Nouvelles cartes de débit: augmentation des frais en vue ?
Nouvelles cartes de débit: augmentation des frais en vue ? / A bon entendeur / 6 min. / le 20 avril 2021

Rabais pour les grands

Sur le banc des accusés se trouve notamment Worldline, la principale entreprise négociant les commissions payées par les commerçants: "Effectivement, les grands commerces avec de gros volumes de transactions, avec un fort chiffre d'affaires, ont des rabais, comme dans d'autres domaines où ils bénéficient de gros avantages", assume Marc Schluep, directeur de Worldline Suisse.

Les commissions payées par les commerçants à Worldline s'ajoutent à celles versées aux banques et à Visa, Mastercard ou Twint. Cette dernière se défend d'être plus chère que ses grands concurrents américains: "Nous contestons vigoureusement. Pour tous les petits commerçants qui n'ont pas les moyens de se payer un terminal très onéreux, nous sommes les meilleurs marchés pour les paiements sans cash. Nous avons déjà 50'000 de ces petits clients. Je crois que c'en est la preuve", relève Markus Kilb, le directeur général de Twint.

Pour Cécile Hussain-Khan, l'achat d'une nouvelle machine et un contrôle supplémentaire ont été dissuasifs: "Dès le moment où vous avez affaire à un compte professionnel, Twint devient payant. Je n'ai pas assez de demandes pour cela".

"Trop coûteux"

Le Conseil fédéral a été interpellé le mois dernier par la conseillère nationale PLR vaudoise Jacqueline de Quattro, afin de se positionner sur les nouvelles taxes perçues par Visa et MasterCard, au frais des petits commerçants.

En attendant, beaucoup espèrent le retour du cash: "C'est vraiment trop coûteux d'acheter un pain à 3,50 francs avec une carte. J'aimerais vraiment sensibiliser les clients à cela", souligne Cécile Hussain Kahn.

Le retour du cash semble toutefois peu probable, à en croire l'étude de la BNS: 57% des personnes interrogées ont déclaré vouloir moins payer en espèce à l'avenir. Lors de la précédente enquête en 2017, ils étaient 46% à afficher cette intention.

La bataille des commissions devrait donc se poursuivre. Rien qu'en Suisse, des centaines de millions de francs sont en jeu.

Feriel Mestiri et Nicolas Rossé

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Les Suisses ont de moins de moins de cash dans leurs poches

Lors de la toute première étude sur les modes de paiements réalisée par la Banque nationale suisse en 2017, les sondés se sont dits très satisfaits des moyens de paiements à disposition et ne pas envisager de changer leurs habitudes.

Pourtant, en seulement 4 ans, le nombre de transactions en cash a chuté de 70 à 43%. Dans le même temps, la carte de débit a augmenté de 22 à 33% et la carte de crédit de 5 à 13%.

Si l'on regarde non pas le nombre de transactions, mais les montants, le cash ne représente plus que 24% de nos achats, contre 45% en 2017.

Sans contact

Depuis le début de la crise liée au coronavirus, le paiement sans contact est entré dans les moeurs. Effleurer un terminal était rare en 2017 et ne représentait que 15% des paiements. Ce geste est devenu majoritaire l’an dernier, avec 60%.

Le paiement sans contact ne concerne pas que les cartes. Il s'effectue aussi via un smartphone ou une montre. Il y a 4 ans, la part de ces derniers était quasiment nulle. Aujourd'hui, ce sont 5% des transactions qui sont effectuées avec les services Google pay, Apple pay, ou Samsung pay. Face à ces géants mondiaux, deux suisses tirent leur épingle du jeu: Swatch pay pour les montres et surtout Twint, qui est archidominante dans les paiements via smartphones, avec 77% des transactions.

Nicolas Rossé décrypte l'évolution des modes de transaction utilisés par les Suisses
Nicolas Rossé décrypte l'évolution des modes de transaction utilisés par les Suisses / 19h30 / 1 min. / le 23 juin 2021