La maternité, puis la prise en charge des enfants en bas âge, créent un trou béant dans le CV de nombreuses femmes. "C'est mon combat parce que je trouve qu'elles ne sont pas suffisamment reconnues", explique Françoise Piron mercredi dans la Matinale de la RTS.
Ancienne déléguée à l'égalité de l'EPFL, la directrice de la Fondation Pacte pour l'égalité des chances estime que la société n'en fait pas assez pour leur retour à l'emploi. "Donc elles sont perdues lorsqu'après cinq ans, dix ans, quinze ans, elles reprennent une activité professionnelle", souligne-t-elle.
"Elle se retrouvent un peu comme les jeunes diplômés"
Françoise Piron précise que la situation est encore plus compliquée pour celles qui sont mieux formées à la base. "C'est plus difficile, parce qu'elles sont surqualifiées pour la plupart des postes qu'elles visent et elles n'ont pas l'expérience professionnelle qui va avec. Donc elles se retrouvent un peu comme les jeunes diplômés qui sortent de l'université et qui ne trouvent rien. Et surtout, elles n'ont pas de reconnaissance publique. Ce n'est pas une population dont on parle beaucoup".
Selon une statistique de Travail Suisse, plus de 13'000 femmes souhaitaient revenir sur le marché du travail et n'y arrivaient pas en 2016. C'est probablement toujours le cas aujourd'hui, estime la directrice de la Fondation Pacte, "et c'est forcément sous-estimé par rapport à la réalité".
Des personnes absentes des statistiques du chômage
Cette problématique est désormais une préoccupation sur le terrain, constate Françoise Piron. "Mais ce que je déplore, c'est qu'on n'ait pas suffisamment d'actions. On nous dit qu'il y a les ORP, mais elles n'ont souvent pas droit au chômage. Donc elles ne sont pas dans les statistiques du chômage".
Sur le plan économique, on a intérêt à ramener ces femmes sur le marché du travail ou à faire tout pour qu'elles n'en partent pas.
Et pour celle qui est aussi élue PLR au Conseil communal de Lausanne, c'est assurément pour éviter de faire monter le taux de sans-emploi. "C'est la seule explication que j'ai eue, qui va peut-être fâcher mes confrères et consoeurs en politique. Mais je voudrais comprendre pourquoi on ne reconnaît pas cette détresse-là".
Au-delà des conséquences concrètes à long terme, et notamment sur les retraites, il y a surtout - chez les femmes qui veulent revenir sur le marché du travail - "une détresse morale et un manque de confiance (…) que l'on ne peut pas estimer", souligne Françoise Piron. "On ne parle pas tellement de ce qui se passe dans la tête de la personne qui veut revenir sur le marché du travail".
L'économie a intérêt à les faire revenir
Les milieux économiques sont conscients du problème posé par ces difficiles réinsertions, estime cette ingénieure de formation. "Les entreprises manquent de relève et on aura de plus en plus de peine à trouver des personnes qualifiées, parce que le baby-boom, c'est fini", rappelle-t-elle. "Donc sur le plan économique, on a intérêt à ramener ces femmes sur le marché du travail ou à faire tout pour qu'elles ne partent pas du marché du travail, qu'elles ne disparaissent pas".
Propos recueillis par Valérie Hauert/oang