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Le secteur privé en Chine est mis à mal par le Parti communiste

La ville de Shangai [keystone]
Chine: pressions sur le secteur privé / Tout un monde / 6 min. / le 19 août 2021
De nombreuses entreprises nationales, notamment les géants technologiques, font face à de nouvelles réglementations de la part de Pékin. Ces restrictions renforcent le pouvoir du Parti communiste et affaiblissent les entreprises qui voient leur valeur en bourse s’effondrer.

Le Parti communiste multiplie les amendes, les annulations d'entrée en bourse et les nouvelles réglementations en tout genre pour reprendre la main sur le secteur privé. Ce dernier est pourtant crucial pour l’économie chinoise, source d’emplois et de prospérité ces dernières décennies.

Depuis le début de la campagne de répression, les entreprises ont perdu des milliards de francs. L’indice technologique de la bourse de Hong Kong a chuté de 40% ces six derniers mois. Cet interventionnisme agressif échaude les investisseurs chinois et étrangers, habituellement séduits par les perspectives alléchantes du gigantesque marché.

Une volonté de renforcer le rôle du Parti communiste

Pour Marie-François Renard, professeur et spécialiste de l’économie chinoise à l’Université Clermont-Auvergne, le Parti communiste veut renforcer son contrôle sur l’ensemble de la vie sociale, politique et économique du pays.

"Les différents gouvernements successifs se sont beaucoup inquiétés (...) de la chute de l’URSS qu’ils attribuent à une faiblesse du Parti communiste soviétique et ils ne veulent surtout pas que la même chose arrive", souligne-t-elle.

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Jean-François Dufour, directeur de la société de conseils DCA Chine-Analyse, souligne que, pour les autorités chinoises, la pandémie a mis en exergue "l’importance du contrôle de l’économie face aux nouveaux risques". Cette crise est venue s’ajouter à la confrontation croissante avec les Etats-Unis. Les tensions avec Washington, dans le domaine technologique notamment, ont "validé un certain nombre d’hypothèses du pouvoir chinois sur la vulnérabilité de l’économie nationale", ajoute-t-il.

Les données numériques, un enjeu de sécurité nationale

Aux yeux du Parti communiste, les grandes sociétés cotées à l’étranger comme Alibaba, Didi ou Tencent courent le risque d'être en partie contrôlées par des investisseurs étrangers. Afin de limiter la part des actifs en mains de ces dernier, Pékin a récemment annoncé des restrictions drastiques aux cotations à l’étranger.

De par leur nature, ces sociétés récoltent en outre les données de leurs utilisateurs, devenues un véritable enjeu de sécurité nationale pour le gouvernement chinois. L'interventionnisme accru de l'Etat trahit notamment une volonté de garder à tout prix le contrôle sur ces données.

L’action du pouvoir chinois réaffirme l’autorité du Parti communiste face à des acteurs de l’économie devenus au fil des ans riches, puissants et influents. Les autorité ne veulent en aucun cas voir leur politique économique ou leur vision défiées par ces grands groupes privés. Xi Jinping cherche avant tout à "communiquer aux acteurs importants sur le marché national que la conformité avec les objectifs stratégiques du pouvoir est absolument déterminante", explique Jean-François Dufour.

La Chine "en position de force" ?

Les autorités chinoises assument leur reprise en main agressive malgré le dégât d’image et la potentielle crise de confiance des investisseurs. Pour Chen Daoyin, politologue et ancien professeur à l’Université de Shanghai, le pouvoir chinois a fait une pesée d’intérêts et une évaluation des risques.

Si ces récentes interventions de l'Etat entament la confiance du monde de l’économie, dans l’esprit des dirigeants "la Chine est en position de force. Elle émerge alors que l’Occident décline. Le pouvoir est convaincu que le marché restera attractif malgré la reprise en main", précise le spécialiste.

Les performances boursières des entreprises concernées ont malgré tout été fortement ébranlées ces dernières semaines. Le Groupe SoftBank, un important investisseur dans les entreprises technologiques chinoises, a annoncé la suspension de tout nouveau placement en Chine face au climat d’incertitude. De son côté, Pékin a d’ores et déjà promis de nouvelles lois et règlements dans le cadre du plan quinquennal qui court jusqu’à 2025, réaffirmant son intention de poursuivre sa reprise en main.

Michael Peuker/aps

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