Un organe extrêmement flexible, une continuité de muscles capable de se mouvoir à l'infini, dans tous les angles sans aucune limite. Voilà ce que tente de reproduire l'industrie robotique. Mais pour y arriver, encore faut-il le comprendre et l'étudier. Des chercheurs de l'Université de Genève (UNIGE), mandatés par la Commission européenne, viennent de publier leurs résultats dans la revue spécialisée Current Biology.
Leur analyse a permis de démontrer que ces pachydermes utilisent une vingtaine de mouvements pour faire bouger leur trompe, en utilisant un principe de simplification: "une série de mouvements simples, comme la contraction, le raccourcissement ou la rotation, sont combinés les uns avec les autres pour générer un petit nombre de comportements, tels que l'enroulement de la trompe ou la succion. En combinant ces comportements simples, ils peuvent effectuer un grand nombre de trajectoires très complexes", explique le directeur des recherches, Michel Milinkotvitch.
Parmi ces mouvements complexes, les scientifiques ont découvert que l'animal était capable de former des segments rigides de la trompe, séparés par de fausses articulations, comme s'il avait un coude et un poignet. "Alors que la trompe n'est soutenue par aucun os", souligne le professeur au Département de génétique et évolution à l'UNIGE.
Mesures en 3D
Pour définir la disposition des fibres musculaires, les chercheurs ont utilisé de l'imagerie médicale. Mais pour être plus précis encore, ils ont eu recours à une technologie de capture de mouvement, développée pour l'industrie du cinéma. Des caméras à infrarouge et des marqueurs réfléchissants ont été placés le long de la trompe de deux éléphants d'Afrique afin de lire leurs mouvements au millimètre près.
"On avait besoin de mesurer en trois dimensions toutes les trajectoires de la trompe pour comprendre avec précision comment elle fonctionne et surtout comment l'éléphant est capable de prendre en charge cet organe, qui est extrêmement complexe à contrôler", explique la chercheuse Paule Dagenais.
Vers une robotique molle
En disposant ces marqueurs sur des éléphants, les scientifiques ont ainsi pu reproduire la distribution des forces dans la trompe, selon le poids et la forme de l'objet à déplacer.
Ces résultats précis serviront l'industrie, qui rêve de pouvoir reproduire les exploits du pachyderme. "L'intérêt industriel est de développer de la robotique molle. Depuis une dizaine d’années, la robotique cherche à remplacer des robots faits de segments rigides et d'articulations par des robots mous. Ces machines vont être constituées de matériaux déformables, élastiques, et vont pouvoir former des trajectoires ou constituer des formes différentes, et ainsi manipuler des objets de manière beaucoup plus versatile", décrit Michel Milinkotvitch.
Les premiers prototypes de robots mous, possédant la force et la précision des éléphants, devraient être réalisés d'ici deux ans à trois ans.
Valérie Demierre, Feriel Mestiri