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Que font les banques centrales pour la protection du climat?

La sculpture devant le siège de la Banque centrale européenne, à Francfort en Allemagne. [EPA/Keystone - Boris Roessler]
Que font les banques centrales pour la protection du climat ? / La Matinale / 1 min. / le 10 septembre 2021
Les banques centrales se préoccupent toujours plus des risques liés au climat, qui peuvent avoir un impact considérable sur la stabilité financière d'un pays, et commencent à intégrer ces risques dans leur politique monétaire. En Suisse, la Banque nationale est loin d'être pionnière.

Impossible désormais d’ignorer la question des risques climatiques qui pourraient avoir des conséquences dramatiques sur la stabilité financière d’un pays. Depuis quelques années, 95 banques centrales et régulateurs planchent sur ces questions au sein du Network of Central Banks and Supervisors for Greening the Financial (NGFS), le réseau pour le verdissement du système financier.

Certaines d'entre elles, à l'image de la Banque centrale européenne (BCE), assument publiquement le fait d'intervenir, dans la mesure où le dérèglement climatique a des conséquences directes sur leur mandat, la stabilité des prix et, concernant l'institution de Francfort, la supervision bancaire.

Plusieurs outils à disposition

Parmi les outils à leur disposition figurent les stress tests climatiques, des tests de résistance destinés à juger de la solidité des institutions financières face à des chocs.

Les instituts d'émission peuvent aussi réaliser des enquêtes auprès des banques sur leurs pratiques en matière de gestion du risque climatique. Et "une des grandes conclusions d'une enquête menée par la Banque centrale européenne est que les banques européennes ne sont pas prêtes", a expliqué vendredi dans La Matinale de la RTS l’économiste Pierre Monnin, spécialiste de politique monétaire et des impacts sur l'environnement.

Quant à la durabilité des placements des banques centrales elles-mêmes, "seule la Banque d'Angleterre a une stratégie bien définie en la matière", estime Pierre Monnin.

En ordre dispersé

Car les banques centrales agissent pour l'instant en ordre dispersé. La Banque de France a déjà testé neuf groupes bancaires et quinze assurances en mai, révélant pour le moment un risque modéré pour ces établissements.

La Banque de Chine réfléchit aussi aux stress tests climatiques tandis que celle d'Angleterre s'y est mise en juin, passant sur le grill des banques telles que HSBC et Barclays. Elle devrait aussi annoncer avant la fin de l'année son programme de verdissement de ses rachats d'actifs.

La plus grosse banque centrale au monde, l'américaine, la Fed, ne brille en revanche pas pour ses initiatives. Son président, Jerome Powell, a notamment affirmé que la protection du climat n'est "pas quelque chose que nous abordons directement".

La BNS pas à la pointe

En Suisse, la Banque nationale (BNS) aurait réalisé des stress tests, mais aucun résultat n’a encore été communiqué. Quant à la durabilité des placements, la BNS dit "s'abstenir d'acheter des titres d'entreprises qui violent massivement des droits humains fondamentaux, qui causent de manière systématique de graves dommages à l'environnement ou qui sont impliquées dans la fabrication d'armes condamnées sur le plan international."

La BNS ne peut pas, par exemple, investir dans des entreprises qui ont un comportement 'limite'. Mais il n'y a absolument rien sur les émissions de carbone. Donc actuellement, elle ne fait que suivre son mandat.

Eric Jondeau, professeur de finances à l'Université de Lausanne

En guise d'exemple, la BNS dit avoir décidé, en décembre 2020, d'exclure de ses placements les titres de toutes les entreprises principalement actives dans l'extraction du charbon comme source d'énergie.

>> A ce propos, lire aussi : Les investissements suisses sont-ils compatibles avec le rapport du GIEC sur le climat?

Pour Eric Jondeau, professeur de finances à l'Université de Lausanne et qui a réalisé une étude, encore inédite, sur le bilan carbone du portefeuille de la BNS, la banque centrale ne fait "pas grand-chose pour le moment" en matière de protection du climat.

Le spécialiste de finance durable a rappelé le 6 août dernier dans l'émission Forum de la RTS que le montant du portefeuille de la BNS est de 270 milliards de francs, soit "une grosse masse à gérer". Or, actuellement, son mandat ne porte pas sur les émissions de carbone, mais sur la gestion de portefeuilles. "Il y a un mandat qui est très précis. La BNS ne peut pas, par exemple, investir dans des entreprises qui ont un comportement 'limite'", explique-t-il. "Mais il n'y a absolument rien sur les émissions de carbone. Donc actuellement, elle ne fait que suivre son mandat."

>> L'interview complète d'Eric Jondeau dans Forum :

Les pro-climat manifestent à Berne contre les investissements de la BNS: interview d’Eric Jondeau
Les pro-climat manifestent à Berne contre les investissements de la BNS: interview d’Eric Jondeau / Forum / 6 min. / le 6 août 2021

et Des activistes du climat manifestent à Berne contre les investissements de la BNS

Sujet radio: Sylvie Belzer

Adaptation web: Caryl Bussy avec afp

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