"S'il y a des augmentations du prix du gaz, cela aura clairement un effet sur les charges", affirme Isabelle Jacobi Pilowsky, responsable immobilier des Rentes Genevoises.
La plupart des 60 immeubles que possède la caisse de pension sont chauffés au gaz, rénovés et optimisés énergétiquement. En sept ans, les émissions de CO2 ont été réduites de 36% avec à la clé une économie d’un million et demi de francs de charges au bénéfice des locataires. La hausse du prix du gaz, annoncée ce lundi par les Services industriels de Genève (SIG), effacera donc inévitablement une partie des économies acquises sur la consommation.
Si la hausse du prix du gaz n'annule qu'une petite partie des efforts fournis par les propriétaires d'immeubles, elle annule en tout cas quasiment la baisse d'un centime octroyée par les SIG en mai 2020 en plein confinement.
22 fois plus cher
La hausse actuelle du prix du gaz est dictée par le prix d'achat immédiat du kilowattheure (KWh), soit le prix spot, qui est passé "de 4 centimes ce printemps à 91 centimes aujourd'hui. Soit environ 22 fois le prix!", explique le directeur exécutif clients de SIG Vincent Collignon.
En cause, notamment, la reprise économique mondiale, qui fait exploser la demande; un marché du gaz naturel liquéfié (GNL) tendu, mais aussi des travaux sur les infrastructures russes et norvégiennes, qui ont bridé l'offre.
"Les prix du marché se sont envolés. Et ces prix-là, nous les répercutons sur nos tarifs", détaille Vincent Collignon. Mais la hausse fulgurante des prix spot n'est pas répercutée entièrement sur le consommateur. Car les distributeurs, tels que les SIG, s'approvisionnent en deux temps. Une partie provient de contrats à long terme. Le reste du gaz est acheté sur le marché spot, au jour le jour. "C'est cette partie-là qui influence aujourd'hui la montée des prix", explique-t-il.
Contrats à long terme
Les contrats à terme sont conclus par le fournisseur, le plus souvent sur trois ans. Ils protègent les consommateurs contre les fluctuations du marché.
"Quand vous achetez du courant électrique aujourd'hui, vous ne l'achetez pas pour demain, mais pour dans trois ans. On a un lissage des prix. Les SIG par exemple ont déjà acheté à peu près 30% de l'énergie qu'ils vont livrer dans trois ans. Les prix qu'on a aujourd'hui sur nos factures sont liés aux achats d'il y a trois ans", explique Stéphane Genoud, professeur en management de l'énergie à la HES-SO du Valais, mardi dans La Matinale.
Philippe Petitpierre, président de Gaznat, confirme: "On s'engage sur cette période de trois ans avec des règles et avec des mécanismes de fixation du prix d'achat et de vente. On ne peut pas y déroger. Donc si l'on a fait des belles opérations contractuelles, on peut les répercuter de la même façon sur nos clients."
L'entreprise Gaznat, qui approvisionne la Suisse occidentale en gaz naturel, importe cette source d'énergie principalement par des contrats allemands, eux-mêmes reflets des engagements germano-russes. Viennent ensuite des partenariats avec la France notamment pour des approvisionnements issus des cavernes de stockage d’Etrez et la Norvège.
Marges trop élevées?
Les prix à l'importation du gaz, qui reflètent ces contrats, sont en moyenne plutôt stables ces dernières années, malgré quelques pics.
Selon l'Administration fédérale des douanes, aucune hausse sensible des prix n'est visible jusqu'en août et les prix sont même inférieurs aux années précédentes. Les marges seraient-elles donc un peu trop élevées au détriment des consommateurs?
"Nos marges sont contrôlées et validées par les autorités ou des instances de régulation, comme le Surveillant de prix. Elles nous permettent de maintenir nos réseaux, de lever le niveau de sécurité, elles financent aussi la transition énergétique, comme par exemple, la production de biogaz", répond Vincent Collignon, des SIG.
Quid du reste de la Suisse romande?
Avant Genève et ses 12%, une hausse de 87% a déjà frappé les consommateurs jurassiens et fâché les autorités delémontaines. Selon Vincent Collignon, le reste de la Suisse romande peut également se préparer à une hausse des prix. Eventualité encore à l’étude chez Holdigaz, selon Philippe Petitpierre, également président du distributeur vaudois.
Pascal Jeannerat et Feriel Mestiri
>> La carte des tarifs du gaz par commune est disponible sur le site du Surveillant des prix.
Inquiétudes en Europe
La question du prix de l’énergie est en train de s’imposer sur l’agenda politique et économique dans toute l’Europe. Lundi, les ministres des Finances de la zone Euro se sont emparés du sujet, poussés par le quasi-triplement du prix du mégawattheure depuis le début de l’année.
Ce mardi soir, les dirigeants des 27 devraient se pencher sur les moyens d’empêcher les factures d’exploser. La Commission européenne fera très vite des propositions pour valider les aides aux ménages les plus démunis, accroître l’indépendance énergétique du continent, ou constituer des stocks communs.