"La flambée actuelle des prix de l'énergie en Europe est vraiment unique", ont réagi les analystes de la banque Société Générale, "jamais auparavant les prix de l'énergie n'avaient augmenté aussi haut et aussi vite".
Mercredi, le cours européen de référence, le TTF néerlandais, s'est envolé à 162,125 euros en début de séance européenne, un record, quand le prix du gaz britannique pour livraison le mois prochain a atteint 407,82 pence par thermie (une unité de quantité de chaleur). Ce niveau de prix est huit fois supérieur à celui d'il y a six mois.
Les deux marchés ont ensuite progressivement effacé ce pic de hausse, cédant même du terrain après la mi-journée par rapport à la clôture de la veille.
"Mouvement de panique et de peur"
Interrogé par l'Agence France Presse, l'analyste de Commerzbank Carsten Fritsch voit dans cette accélération très forte un "mouvement de panique et de peur" face à des stocks bas à l'approche de l'hiver dans l'hémisphère nord.
La plupart des observateurs de marché mettent aussi en avant la demande asiatique, notamment chinoise, les contraintes environnementales limitant l'exploitation du charbon dans le pays ayant en effet entraîné un report soudain de la demande sur le gaz.
La Russie responsable?
Les analystes de l’institution financière ING ajoutent un ensemble de facteurs composés "de prix élevés de l'électricité, d'une offre limitée en provenance de Russie et la possibilité d'un hiver plus froid".
Certains, en Europe comme aux États-Unis, accusent Moscou de ne pas ouvrir suffisamment les robinets afin d'obtenir la mise en service au plus vite de son gazoduc controversé vers l'Allemagne, Nord Stream 2, achevé et dont le remplissage a commencé.
>> Plus de détails : Ces guerres du gaz qui enflamment l'Europe
Le Kremlin a cependant affirmé mercredi que la Russie n'avait "rien à voir" dans l'envolée récente des prix du gaz. Le président russe Vladimir Poutine a même jugé l'Europe responsable de la crise du gaz, car elle n'aurait pas conclu suffisamment de contrats de livraison à long terme avec Moscou, favorisant des achats pour des livraisons immédiates sur les marchés à court terme dits "spot", s’exposant ainsi à l'envolée des prix.
>> La chronique d'Alter Eco sur la crise énergétique:
agences/ami
Européens divisés
Face à cette hausse incontrôlée des cours, les responsables politiques européens tentent de réagir pour rassurer les consommateurs et limiter l'impact sur leurs factures de gaz.
Mais les dirigeants de l'Union européenne, réunis mercredi en Slovénie, ont affiché leurs divisions quant à la réponse à apporter à la flambée des prix de l'énergie, France et Espagne appelant à une réforme en profondeur tandis que d'autres prônent la patience.
Politique volontariste
Paris souhaite une révision importante du marché de l'électricité, notamment de la fixation des prix jugé trop dépendante des cours des énergies fossiles, tandis que Madrid propose des "achats groupés" de gaz, sur le modèle de l'approvisionnement européen en vaccins anti-Covid-19.
Le Premier ministre français Jean Castex a par exemple promis mardi "d'agir sur le levier fiscal en cas de nécessité", si "les cours internationaux du gaz ne rebaissent pas au printemps" 2022. Un gel des tarifs est déjà prévu dans l’Hexagone jusqu'en avril.
"Mesures extrêmes"
Mais d'autres pays, comme l'Allemagne et les Pays-Bas, ont mis en garde contre des "mesures extrêmes", arguant qu'il s'agissait d'une situation temporaire liée aux limites de l'offre, contrecoup de la crise sanitaire et sur fond de reprise économique
Le dirigeant souverainiste hongrois Viktor Orban en a profité pour blâmer une nouvelle fois la politique de l'UE qui vise à réduire de 55% ses émissions carbone d'ici 2030, et le marché du carbone où les fournisseurs d'énergie doivent s'acquitter de "droits à polluer" fortement renchéris.
Outre-Manche, Boris Johnson n'a pas annoncé de mesure comparable au "bouclier tarifaire" français, alors que le plafond des prix du gaz pour les particuliers au Royaume-Uni a été relevé de 12%.
Le gouvernement britannique a par ailleurs annoncé un fonds de 500 millions de livres pour aider les ménages défavorisés à payer leurs factures.