Une voiture neuve sur dix immatriculées le mois dernier en Suisse était uniquement électrique. C'est 10 fois plus qu'il y a 5 ans. Les voitures électriques prennent toujours plus de place sur nos routes. Un engouement qui s'explique par un contexte général qui pousse à la transition pour lutter contre le changement climatique.
Cet été, la Commission européenne a proposé d'interdire la vente de voitures neuves à moteur essence ou diesel à partir de 2035. Hybride compris. Au Royaume-Uni, c'est 2030. Tout comme Singapour ou Israël. Au total, une vingtaine de pays ou régions ont d'ores et déjà prévu la fin du moteur thermique. En Suisse, la question n'est pas encore tranchée.
Dans ce contexte, les annonces des constructeurs automobiles se multiplient. Audi ne sortira plus de nouveaux modèles à essence après 2026. Ford va consacrer 30 milliards de francs à la production électrique dans les 4 prochaines années. Les budgets de recherche et développement explosent. Avec pour objectif de créer des voitures électriques moins chères, moins lourdes et pouvant nous emmener toujours plus loin.
Moins de travail pour les garagistes
Parmi les perdants de ce virage électrique, on trouve les garagistes. Un moteur électrique ne demande quasiment plus d'entretien. Fini les services. Ce que confirme Yves, propriétaire d'une Tesla modèle S depuis 2 ans. "Je ne suis jamais allé chez le garagiste en 60'000 km. J'attends toujours que les capteurs me lancent une alerte".
En France, le Conseil national des professions de l'automobile estime qu'un parc uniquement électrique représenterait 40% d'activité en moins pour les garagistes. "Sur les moteurs électriques, il n'y a pas beaucoup de travaux à faire. Les entretiens sont surtout sécuritaires comme les éléments de direction, les suspensions, les pneus ou les freins", explique John Desmeules, propriétaire d'un garage à Montricher, au pied du Jura.
Ce mécanicien de formation s'inquiète pour l'avenir de son métier. Huitante pour cent des revenus du garage Desmeules viennent du service après-vente. La société emploie 10 personnes. "Dans 10 ans, si je peux garder mes employés je serais content. J'ai la crainte qu'on ait moins d'emplois".
Un virage glissant
Les constructeurs poussent pour qu'il vende de l'électrique. "Par exemple, sur une C4, la prime pour le vendeur est de 3000 francs pour une motorisation électrique, contre 1000 francs pour l'essence". Les garages doivent se positionner: investir massivement pour accueillir les voitures électriques ou suivre le marché en douceur et profiter encore des moteurs thermiques.
"Il faudra consacrer plus de temps pour gagner la même chose", estime Jean-Luc Pirlot. Le secrétaire général de la section vaudoise de l’Union professionnelle suisse de l’automobile (UPSA) admet que certains garages vont disparaître. En première ligne, les garagistes "toutes marques" qui ne suivent pas de formation. Pour le reste, "il y aura toujours du travail pour les garagistes, car il y aura toujours autant de voitures en circulation. Notre rôle est d'accompagner les garagistes pour qu'ils soient capables de prendre ce tournant."
Dans le canton de Vaud, la branche vient d'annoncer la construction d'un nouveau centre de formation à Yverdon. Vingt-trois millions vont être investis pour former les apprentis aux nouvelles technologies de l'automobile.
Une formation électrique
Cette année, la volée de mécatroniciens et mécatroniciennes va sortir de l’Ecole technique et des métiers de Lausanne (ETML) avec une courte formation sur les moteurs électriques. Une première. "On aura du job, c'est sûr. Les garages vont nous chercher", explique Mathieu (19 ans), élève de dernière année.
"Les profs nous encouragent à faire des spécialisations, comme la rénovation de batteries", explique Léa (18 ans). "Le recyclage des batteries est typiquement un problème qui va se poser avec les voitures électriques. Notre métier peut être profitable à l'avenir".
Philippe Poulain, responsable de la filière automobile à l’École des métiers, défend son métier. "On est dans la tendance actuelle de la durabilité et de l'écologie. Pour moi, un véhicule qu'on entretient, c'est une voiture en moins qu'on produit. C'est aussi un déchet de moins qu'on crée."
Martine Clerc / Pascal Wassmer