Nouveau venu dans le monde de la vente en ligne, Shein (prononcez "she in") fait passer les rois de la fast fashion H&M, Zara ou Primark pour des "has been".
Avec des prix très bas (8 francs pour un top ou moins de 20 pour un pull à capuchon), des milliers d'articles ajoutés chaque jour sur sa plateforme et une présence accrue sur les réseaux sociaux (TikTok et Instagram en tête), la marque chinoise a réussi à rendre accros ses jeunes utilisateurs et utilisatrices.
Une croissance effrénée
Pour Géraldine Viret, porte-parole de Public Eye et invitée de l'émission "On en parle", Shein reprend "les mêmes recettes [que les géants de la fast fashion] mais les pousse à l'extrême, que ce soit au niveau de la collecte et de l'analyse des données, dans la manière dont ils s'insèrent dans les relations sociales et aussi de l'ampleur de leur croissance".
En effet, selon Forbes, l'entreprise chinoise pesait 4,5 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2019, puis 10 milliards en 2020. Dans une cinquantaine de pays, Shein est passée numéro un des applications de shopping, devançant même Amazon aux Etats-Unis.
75 heures de travail par semaine
Shein ne produit rien elle-même, mais passe par plus d'un millier de sous-traitants, auxquels des enquêtrices mandatées par Public Eye ont rendu visite. L'organisation suisse a publié un rapport sur les conditions de travail dans les ateliers partenaires de Shein.
"Sur le terrain, on a constaté qu'il y avait des problèmes dans les horaires de travail […]. Les gens travaillent 11 à 12 heures par jour, ils ont un seul jour de congé par mois", a expliqué Géraldine Viret. Cette semaine de 75 heures est contraire à la législation chinoise, qui demande plus ou moins 40 heures par semaine. De plus, les ouvrières, qui viennent pour la plupart de provinces pauvres du pays, n'ont souvent pas de contrat de travail.
Un environnement de travail pas sûr
Quant aux conditions de sécurité, les enquêtrices ont noté des fenêtres condamnées ou des issues de secours inexistantes dans ces petits ateliers informels produisant pour Shein.
Pour Géraldine Viret, il s'agit d'"un bond en arrière par rapport aux progrès qui avaient été faits par les grandes marques après des tragédies comme le Rana Plaza", qui avait provoqué la mort de plus de 1200 ouvriers et ouvrières travaillant dans des ateliers de confection lors de son effondrement en 2013.
Réponse de Shein à Public Eye et On en parle
La rédaction d'On en parle a contacté Shein le 11 novembre 2021. L'entreprise a répondu en disant prendre au sérieux toutes les questions relatives à sa chaîne d'approvisionnement. Elle a demandé à voir le rapport de Public Eye pour ouvrir une enquête si nécessaire. L'entreprise s'engage à prendre des mesures immédiates si une non-conformité était identifiée. La marque assure qu'elle effectue des évaluations trimestrielles auprès de ses fournisseurs et utilise des organisations tierces internationales et des outils d'audit pour certifier ses fournisseurs.
"Shein n'a, jusqu'à présent, jamais été vraiment confronté à des critiques, à des révélations sur sa chaîne d'approvisionnement. […] On se réjouit de la suite et de voir comment ils se positionnent" conclut Géraldine Viret.
Interview radio: Isabelle Fiaux, Théo Chavaillaz et Bastien von Wyss
Adaptation web: Sylvie Ravussin