L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a reporté à la dernière minute sa première conférence ministérielle depuis quatre ans face à l'apparition du variant préoccupant Omicron. Or c’était l’une des réunions internationales les plus importantes de l’année. Les brevets pour les vaccins contre le Covid, notamment, étaient à l'ordre du jour.
"Cette conférence avait le mérite de rassembler les ministres, avec une pression qui augmentait pour prendre une décision", a expliqué mardi le responsable politique santé chez Public Eye Patrick Durisch dans La Matinale de la RTS.
Un an et toujours pas de consensus
"Cela fait plus d'un an qu'on en discute et il n'y a toujours pas de consensus", déplore-t-il. "Donc c'est important que maintenant les Etats accèdent à cette demande et avancent en faveur de la levée - non seulement des brevets mais d'autres aspects de propriété intellectuelle qui empêchent un accès équitable aux moyens de lutte contre le Covid".
Une telle réunion des 200 Etats membres de l'OMC aurait sans doute permis d'avancer un peu plus vite. Or la question est capitale, sur le plan sanitaire, pour de nombreux pays.
"On sait que la propriété intellectuelle est un obstacle à la production de vaccins, dans la mesure où le détenteur du brevet peut exclure quiconque de la production", rappelle Patrick Durisch. "On aurait pu ouvrir le jeu (…) de manière à ce qu'on puisse produire en suffisance ces moyens de lutte partout dans le monde et notamment là où ils manquent".
Protéger monopoles et profits de l'industrie
Et parmi les membres de l'organisation les plus réticents figurent la Suisse et l'Union européenne. "La Suisse a une posture vraiment idéologique autour de la suspension temporaire [de ces brevets], et l'Union européenne aussi", dénonce le représentant de Public Eye. "Ce sont les pays qui hébergent les géants pharmaceutiques qui bloquent et qui essaient de protéger les monopoles et les profits de leur industrie".
Mais les lignes peuvent encore bouger, même au sein des 27. "Des Etats-membres seraient plutôt en faveur", souligne-t-il. "Le front est un peu en train de se scinder au sein de l'Union européenne".
Si l'Allemagne, par exemple, est encore farouchement contre parce qu'elle héberge des géants pharmaceutiques, "on est là dans un calcul très mauvais, de très court terme, très économique, alors que c'est un gros enjeu de santé publique", estime Patrick Durisch.
Corrélation entre taux de vaccination et nouveaux variants
Si le nouveau variant Omicron est apparu, note-t-il, c'est parce que certains pays restent sous-vaccinés. "On voit qu'il y a une corrélation entre le taux de vaccination et la survenue de variants. Donc, même si on vaccine tout le monde ici très rapidement, il suffit qu'un variant échappe à cette protection vaccinale et on pourra tout recommencer".
L'ONG Public Eye fait partie des organisations qui ont lancé un appel à la mobilisation citoyenne mardi. "La société civile, depuis le début, a identifié la propriété intellectuelle comme l'un des obstacles (..) à une répartition et une distribution équitable", explique son responsable de la politique santé. "Si la Suisse est bien lotie, a suffisamment de doses et de traitements, elle n'est pas obligée d'utiliser ce mécanisme. Mais pourquoi empêche-t-elle les autres de le faire? C'est là où la Suisse pèche en ce moment et c'est incompréhensible".
Propos recueillis par Valérie Hauert/oang
Mobilisation groupée à Genève
Une quarantaine d'ONG, de syndicats et de partis politiques ont appelé à démocratiser les vaccins pour sauver des vies, mardi matin à Genève. Ils demandaient justement la levée des brevets pour les vaccins contre le Covid.
Pour eux, la meilleure manière de sortir de cette crise est de fabriquer plus de vaccins et aux quatre coins de la planète.