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Le Covid a dopé la fortune des ultra-riches, déplore un rapport

L'Américain Elon Musk, première fortune mondiale. [Pool/AP/Keystone - Britta Pedersen]
Les inégalités mondiales n'ont jamais été aussi grandes / La Matinale / 2 min. / le 8 décembre 2021
La crise liée au Covid-19 a renforcé encore la captation des richesses mondiales par les plus fortunés, constate le World Inequality Report 2022. Ce document, publié mardi, dresse annuellement un état des lieux détaillé des inégalités mondiales.

Fruit du travail d'une centaine d'économistes de tous les continents, le World Inequality Report présente l'étude la plus fouillée à ce jour dans plus de cent pays. Elle est bâtie à partir de multiples sources, dont les données issues des comptabilités nationales et les données fiscales.

Coordonné par l'économiste Lucas Chancel, avec la contribution de Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, ce document de 228 pages milite pour la mise en place d'une imposition progressive du patrimoine à l'échelle mondiale, ainsi que d'un registre financier international afin d'agir contre l'évasion fiscale.

Pour une petite caste, ce patrimoine est stratosphérique, rappelle le rapport. Le classement du magazine américain Forbes, qui évalue ce que possèdent les plus riches en temps réel, montre que les dix premiers possèdent plus de 100 milliards de dollars chacun. En tête figure le patron de Tesla, Elon Musk, avec 266 milliards de dollars.

>> Lire : Elon Musk, le patron de Tesla, devient l'homme le plus riche du monde

Inégalités encore renforcées avec la pandémie

"Après plus de 18 mois de Covid-19, le monde est encore plus polarisé" en termes d'inégalités de richesse, souligne auprès de l'AFP Lucas Chancel, codirecteur du World Inequality Lab à l'Ecole d'économie de Paris.

"Pendant que le patrimoine des milliardaires a pris plus de 3600 milliards d'euros, ce sont 100 millions de personnes supplémentaires qui ont rejoint les rangs de l'extrême pauvreté", détaille-t-il, alors que depuis 25 ans l'extrême pauvreté avait baissé.

Selon ce rapport, les 52 personnes les plus fortunées ont vu la valeur de leur patrimoine croître de 9,2% par an depuis 25 ans, largement plus que les catégories moins dotées.

Le club du 1% le plus riche, soit les personnes détenant plus de 1,3 million de dollars en patrimoine, a lui capté plus du tiers de la fortune accumulée sur la planète depuis 1995.

"Etant donné la concentration très forte des richesses, une taxation modeste et progressive peut engendrer des revenus significatifs pour les gouvernements" dont l'endettement s'est envolé face à la crise de 2007-2008 et la pandémie, propose le rapport.

Inégalités au même niveau qu'à l'époque coloniale

Les inégalités mondiales sont même revenues au même niveau qu'à l'époque coloniale, constate le World Inequality Report 2022.

Car cette étude 2022 est la première à remonter aussi loin dans l'Histoire en matière d'inégalités. Elle permet de saisir les disparités, en termes de revenu et de patrimoine, depuis 1820.

C'est ce qui permet de réaliser que les inégalités actuelles sont proches du niveau du début du XXe siècle, à l'apogée du colonialisme occidental.

afp/oang

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Premiers signes d'un changement

"On observe les prémices d'un changement", veut croire Lucas Chancel, codirecteur du World Inequality Lab à l'Ecole d'économie de Paris.

Il cite l'introduction récente d'une contribution exceptionnelle sur les grandes fortunes en Argentine, un débat sur le sujet lors des récentes élections législatives allemandes, et le volontarisme du président américain Joe Biden, bien que plusieurs de ses initiatives se heurtent au Congrès.

L'adoption après des années de négociations d'un projet d'imposition minimale à 15% sur les riches multinationales est aussi selon lui un signe du changement à l'oeuvre.

>> Lire : Accord sur un taux minimal de 15% pour la taxation mondiale des multinationales

Urgent de mieux imposer les actifs financiers

Là où l'imposition sur le patrimoine se focalise aujourd'hui trop sur le foncier, il milite pour une modernisation et une progressivité de cette taxation. Toutes les formes d'actifs doivent être concernées, surtout les actifs financiers qui représentent l'essentiel des fortunes modernes.

Le rapport évalue une hypothèse de taxation en plusieurs tranches, à partir de 1 million de dollars, et progressive jusqu'à une tranche haute supérieure à 100 milliards de dollars de patrimoine.

Sur l'évasion fiscale, le rapport préconise la création d'un registre financier international, par exemple sous l'égide de l'OCDE ou de l'ONU.