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De plus en plus de femmes cadres quittent leur entreprise pour monter leur propre structure

Des femmes cadres décident de quitter leur entreprise car elles ne sont pas satisfaites des structures. [KEYSTONE - Peter Schneider]
Les femmes cadres montent leurs propres structures (vidéo) / L'éclairage d'actualité / 3 min. / le 16 décembre 2021
C'est un phénomène qui vient des Etats-Unis et qui est encore peu étudié en Suisse: l'"opting-out": ce sont des femmes en pleine ascension professionnelle qui décident de tout quitter pour monter leur propre structure.

La raison de cette rupture est un monde du travail qui fonctionne encore majoritairement avec des codes masculins et qui ne leur convient plus. Résultat: une grosse déception pour ces femmes parvenues jusqu'au sommet de leur entreprise, et un beau gâchis pour la société.

On ignore combien de personnes sont concernées en Suisse, car il n'existe aucun chiffre. Ce qui est établi, c'est que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à sortir de la vie active: 144'000 l'an dernier contre 138'000. Elles sont aussi davantage à changer d'emploi.

Un autre fonctionnement

Car les femmes qui abandonnent leur carrière ne restent pas forcément à la maison. Certaines montent leur entreprise, avec un fonctionnement qui leur convient mieux.

Claudine Esseiva, co-présidente des Business and professionnal women, estime qu'il ne s'agit pas de cas isolés. "On observe malheureusement régulièrement qu'il y a très peu de femmes dans les postes à responsabilité dans les grandes entreprises: on parle de 5 à 6%. C'est très, très peu", a-t-elle souligné jeudi dans La Matinale.

La spécialiste est donc partagée: "D'un côté, je comprends ces femmes qui préfèrent créer elles-mêmes une entreprise. C'est quelque chose de courageux et très positif. Mais d'un autre côté, cela confirme qu'il règne encore un climat très patriarcal dans de nombreuses entreprises. Et on aurait besoin de ces femmes qui aident à changer ce climat. C'est très ambigu, car il y a vraiment ces deux côtés."

Climat repoussant

Ce climat qui fait fuir les femmes est constitué de divers éléments: esprit de compétition, ego, pouvoir, séances à n'en plus finir où chacun s'écoute parler, confusion entre motivation et présence au bureau durant de longues heures. C'est ce qui ressort des témoignages recueillis par la RTS.

Parmi eux, celui de Valérie Véron, qui a eu envie de fonder son entreprise dans l'alimentation. "Si les codes masculins sont souvent dans les registres de rentabilité, de consommation et de quête de pouvoir, et si les codes féminins sont plus proches de l'efficacité, de la création et du service, alors je pense que mon intuition m'a très probablement guidée, après vingt ans de carrière, à faire autre chose, autrement", analyse-t-elle.

"Efficacité", le maître-mot

"Efficacité", c'est le maître-mot pour les femmes interrogées. Tout ce qui n'est pas du travail pur les énerve: les jeux d'influence pour obtenir un dossier ou un budget, les gesticulations politiques, ce qui se décide autour d'un verre hors du bureau. Dans leur structure, les femmes privilégient les fonctionnements horizontaux, la confiance et les résultats.

Souvent, le monde du travail et ses règles sont perçus comme neutres. Et les femmes qui "jettent l'éponge" le vivent souvent comme un échec personnel: elles n'ont pas tenu la pression, pas réussi à s'organiser, elles n'avaient pas le cuir assez épais.

Pourtant, les critiques ne viennent pas que des femmes, comme le relève Céline Alix, auteure du livre "Merci mais non merci. Comment les femmes redessinent la réussite sociale": "Comme elles sont arrivées sur le marché du travail mais qu'on ne leur a pas enlevé tout l'aspect domestique, soit rentrer aussi le soir pour s'occuper des enfants, de la maison, etc., elles avaient un intérêt à ce que tout soit efficace, et ce sont donc peut-être elles qui ont mis le doigt les premières sur ces défaillances, mais je pense qu'elles ne sont pas les seules à penser que le système pourrait être plus efficace et plus agréable pour tout le monde", explique-t-elle.

La pandémie comme accélérateur

Dans cette réflexion, la pandémie peut être un accélérateur et faire évoluer le modèle de réussite. Le télétravail, par exemple, peut être l'occasion d'aller vers moins de présentéisme, moins de "flicage", plus de souplesse dans l'organisation de la journée.

L'opportunité aussi de juger son personnel sur les résultats, et les résultats uniquement.

Sujet radio: Cléa Favre

Adaptation web: Jean-Philippe Rutz

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