Stéphane Garelli: "Certains secteurs seront touchés de plein fouet par l'inflation"
"L'inflation ne touche pas encore la Suisse", explique Stéphane Garelli, professeur d'économie à l'IMD Lausanne. "(...) En Suisse, on est relativement bon. On est à une inflation de 1,2%, alors qu'aux Etats-Unis elle est de 7% et que la moyenne de l'Europe se situe à 5%."
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La différence avec les autres pays est la monnaie, selon Stéphane Garelli: "Le franc suisse est fort. Cela nous permet d'acheter des produits à l'étranger meilleur marché que nos voisins. De l'autre côté, cela nous pénalise pour nos exportations. Car on est un pays qui gagne de l'argent à l'étranger."
Ajustement des salaires
Le professeur d'économie à l'IMD explique que l'inflation est un "engrenage". La prochaine étape, selon lui, sera les négociations salariales. "Les syndicats vont dire: 'C'est cher. Il faut réajuster les salaires'. L'Union syndicale suisse évoque 2 à 3% d'augmentation (4 et 6%, en Europe et 7% aux Etats-Unis, n.d.l.r.)."
Jusqu'à maintenant, les entreprises avaient une "carte de négociation", indique Stéphane Garelli: "Avant la pandémie de Covid-19, le grand argument des entreprises était: 'vous n'êtes pas raisonnables, on délocalise. Je vais mettre une usine en Chine'."
Avant de compléter: "Aujourd'hui, il est beaucoup plus difficile de le faire en raison de la situation politique qui est très tendue. Et il y a une volonté de raccourcir les chaînes d'approvisionnement pour limiter l'impact environnemental."
Augmenter les taux d'intérêt
L'augmentation du coût des matières premières, l'énergie, les transports et probablement les salaires: "Si vous prenez tous ces éléments, on se dirige vers un environnement où les prix seront plus chers. (...) Les entreprises risquent de transférer ces augmentations de coûts sur les consommateurs."
Il y aura une baisse du pouvoir d'achat si l'inflation dépasse les augmentations de salaires, mais elles vont se compenser, estime Stéphane Garelli. Pour limiter l'inflation, le moyen traditionnel des banques est d'augmenter les taux d'intérêt.
"Sauf qu'en Suisse, nous sommes déjà à -0,75% C'est donc plutôt mal parti. Théoriquement, on devrait appliquer ces intérêts négatifs uniquement à l'épargne étrangère, seulement on le fait aussi à l'épargne domestique. Ce qui est à mon avis un scandale", estime-t-il.
Economie "très diversifiée", un avantage
Les entreprises pourraient aussi anticiper l'inflation en gonflant les prix. "C'est un système qui commence à s'auto-alimenter. C'est très dangereux. Parce qu'une fois qu'on est entré dans cet engrenage terrible, c'est très difficile de l'arrêter."
Stéphane Garelli se veut toutefois rassurant: "L'avantage de l'économie suisse est d'être très diversifiée. Certains secteurs seront touchés de plein fouet et d'autres moins. On va s'en sortir plus ou moins bien, à condition que la monnaie reste stable."
Propos recueillis par Romaine Morard/vajo