Publié

Sara Carnazzi Weber: "les ménages suisses pourront supporter la hausse des prix sur l'énergie"

Sara Carnazzi Weber revient sur les répercussions de la guerre en Ukraine sur l'économie suisse
Sara Carnazzi Weber revient sur les répercussions de la guerre en Ukraine sur l'économie suisse / La Matinale / 9 min. / le 17 mars 2022
Avec la guerre en Ukraine, le Secrétariat d'État à l'Économie juge que les perspectives économiques suisses se sont assombries. Les économiste ont aussi revu leurs prévisions de croissance à la baisse. Au Credit Suisse pourtant, on se veut plus confiant. La deuxième banque suisse anticipe une croissance du PIB de 2,5% en 2022.

Alors que la guerre se poursuit en Ukraine, les impacts économiques sont déjà bien réels. Pour Sara Carnazzi Weber, responsable analyse politico-économique au Credit Suisse, le pays sera avant tout touché par des effets indirects liés à la crise.

"De manière indirecte, on a bien sûr un fort impact sur les prix de l'énergie, un approvisionnement de matières premières qui sera difficile et qui va peser sur l'industrie suisse et sur la conjoncture dans son ensemble. De manière directe toutefois, la Suisse est moins sensible en termes de flux commerciaux. Car si on prend la part d'exportation vers l'Ukraine et la Russie, on reste en dessous de 1,5% et au niveau des importations, la part est presque négligeable", explique-t-elle.

Invitée de La Matinale jeudi, elle ajoute: "On aura bien sûr des répercussions du fait du ralentissement de la croissance en Europe, qui est le principal partenaire économique de la Suisse. On va le ressentir au niveau des exportations vers ces pays-là".

Prévision de 2,5% de croissance

Pourtant, Credit Suisse n'a pas revu à la baisse ses prévisions. D'après Sara Carnazzi Weber, il s'agit là d'un effet de compensation. Après les effets négatifs liés à la pandémie, la reprise s'est déroulée mieux que prévu, ce qui explique que même avec la guerre actuelle, la banque garde cette prévision pour 2022.

Les secteurs ne seront toutefois pas touchés de la même façon, notamment avec le renchérissement du franc suisse observable actuellement: "L'effet du renchérissement du franc, qui est en fait plutôt un affaiblissement de l'euro pour l'instant, va pénaliser certaines industries, surtout celles qui ont une élasticité plus prononcée par rapport au taux de change, comme l'industrie des machines électriques, celle des métaux et des matières plastiques. Ce sera par exemple moins le cas pour une industrie comme celle des produits pharmaceutiques", détaille-t-elle.

Le franc fort comme un garde-fou face à l'inflation

Alors qu'aux Etats-Unis, le taux d'inflation est monté à 8%, il est aussi sensiblement supérieur en Europe qu'en Suisse. Sara Carnazzi Weber juge que le franc fort agit ici comme un garde-fou. "Les ménages suisses profitent d'une inflation plus basse et le franc fort est bien sûr un avantage au niveau du coût des matières premières et des produits importés, qui permet de mettre un frein supplémentaire à l'évolution des prix en Suisse."

Et de préciser: "On estime l'impact des prix de l'énergie sur la consommation à 2,5 à 3 milliards à peu près pour cette année et on ne pense pas que cela va être un vrai frein à la consommation. Cela ne représente que 1% du revenu disponible pour les ménages suisses. De plus, un taux d'épargne assez élevé s'est notamment développé au cours des deux années de pandémie. On est donc de l'avis que les ménages suisses pourront supporter ce choc."

Propos recueillis par Valérie Hauert

Adaptation web: Tristan Hertig

Publié

Le secteur du négoce des matières premières principalement touché

Dans la situation spécifique à la guerre en Ukraine, c'est le secteur du négoce des matières premières qui semble être le plus exposé.

Pour Sara Carnazzi Weber, le PIB suisse devrait être directement affecté.

"Les négociants basés en Suisse achètent en une année entre 60 et 100 milliards de matières premières à la Russie et ces flux commerciaux sont bien sûr très compliqués à l'heure actuelle. On voit beaucoup de prudence de la part des institutions financières pour financer des crédits ou des assureurs pour assurer les cargaisons de ce genre de matières. (...) il y a un potentiel effet négatif, car même si les matières premières achetées par les négociants suisses ne sont pas destinées au marché suisse, le fait d'avoir cet achat et la vente a un effet direct sur le PIB suisse", déclare-t-elle.

Moment pour revoir son crédit hypothécaire?

Sara Carnazzi Weber juge également que nous sommes en train "de sortir de la période de taux bas" sur les crédits hypothécaires. D'après elle, la sortie va se faire "de manière graduelle" mais elle rappelle que la fenêtre pour fixer des taux hypothécaire est toujours très courte.

"Il faut donc le faire dans la première phase de ce retournement au niveau des taux", conclut-elle.