Des technologies de pointe, des publicités toujours plus ciblées, promettant de vivre une expérience ou un moment d'authenticité… Ces dernières années, les stratégies marketing se sont développées, devenant redoutablement efficaces.
Aujourd'hui, les marques ne vendent plus seulement un produit, mais veulent offrir des solutions aux consommateurs, en se rendant utiles. Les stratégies publicitaires tablent sur l'incarnation de valeurs partagées qui traversent notre société, en se servant d'outils toujours plus sophistiqués. Tour d'horizon.
Une série de Marie-Emilie Catier Adaptation web : Sarah Jelassi
De la pub toujours plus ciblée
Depuis plusieurs années la collecte des données a évolué dans le secteur de la publicité, avec des consommateurs toujours plus connectés à leurs smartphones.
Téléphones et applications deviennent de précieuses sources d'information à monétiser pour les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et les entreprises publicitaires. Ces derniers fournissent aux marques des données sur les habitudes de l'utilisateur, comme sa géolocalisation ou sa manière de consommer.
Parmi les outils les plus utilisés, les cookies, sortes de petits traceurs installés automatiquement lors la visite d'un site internet. Ces derniers servent à identifier un internaute, à sauvegarder ses préférences, mais aussi à établir son profil publicitaire.
Une publicité personnalisée toujours plus dénoncée. Ces traceurs sont perçus comme intrusifs par les utilisateurs, voire inquiétants pour la sécurité de leurs données. Du côté des Gafam, Apple oblige depuis 2021 les éditeurs d'applications mobiles à demander aux utilisateurs un consentement spécifique pour les pister. Google, de son côté́, a annoncé la fin de l'utilisation des cookies sur son navigateur Chrome.
Innover
Afin de répondre à de meilleurs critères, le marketing digital innove. Le but? Offrir un contenu moins intrusif et mieux ciblé, répondant aux besoins des utilisateurs. De nouveaux outils marketing se développent, comme celui utilisé par l'agence de communication lausannoise Trio, basé sur le "geofencing".
Directrice de l'agence, Laura Jenny, détaille son fonctionnement: "C'est une pratique de ciblage publicitaire qui consiste à définir des périmètres géographiques qui servent à cibler les individus présents dans cette zone. Le geofencing permet d'envoyer une alerte à une personne lors de son arrivée dans le périmètre, sur un support compatible, comme un smartphone".
Un exemple? Faire apparaître une publicité pour une pharmacie spécifique directement sur le téléphone du client, dès lors qu'il en est physiquement à moins de 500 m.
Conditions strictes
Certaines conditions doivent néanmoins être respectées. L'utilisateur doit autoriser les notifications push ou télécharger l'application de l'enseigne sur son téléphone. Il doit aussi se situer dans la zone du signal de l'émetteur pour recevoir un message.
"La clé, c'est d'envoyer le bon message au bon moment via le bon canal. Si on réussit à faire ça, on réussit à être le moins intrusif possible et à proposer ce dont les gens ont besoin. Il faut être transparent et avoir un cadre législatif, car si on collecte des données, on ne peut pas en faire n'importe quoi. Une stratégie claire de collecte des données doit être mise en place", ajoute Laura Jenny.
Meilleure relation
Quand ce ne sont pas les clients qui donnent les informations, il existe de nombreuses données accessibles à tous, qui informent les marques sur le besoin du consommateur. Havas Village, agence de communication basée à Genève, s'inspire notamment de la météo pour créer ses contenus.
Par exemple, des retards d'avion à Genève Cointrin ont généré une offre pour accéder à une plateforme spécifique de streaming aux passagers en attente à l'aéroport.
"Cela permet un message plus précis et plus intelligent, qui répond à un besoin qui fait sens. On développe une relation avec le client où on arrive à débloquer une situation de façon divertissante", explique Gabriel Mauron, comanager et responsable de la création chez Havas Village.
Un affect qui aide à construire une image positive, et une meilleure relation à long-terme avec le consommateur selon ces agences de publicité.
De la pub jusqu'à dans nos rêves?
Certaines marques commencent à investir un champ encore peu exploité par la publicité: le sommeil et les rêves.
En 2021, une marque de bière américaine a créé le buzz grâce à une vidéo qui prétendait pouvoir orienter les rêves de ses consommateurs. Pour cela, l'entreprise a conçu un clip psychédélique, rythmé par l'apparition de canettes de bière, le tout prenant place dans un univers onirique.
Le spot a été diffusé auprès de dix-huit "cobayes", qui ont été par la suite invités à s'endormir sur un fond sonore utilisant les extraits de la vidéo. Le résultat de l'expérience? Près de 30% des participants ont déclaré que les produits de la marque sont apparus dans leurs rêves.
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Digne d'un roman dystopique à la George Orwell, le futur de la pub serait-il de prendre le contrôle de nos rêves? Dans une lettre ouverte publiée en juin 2021, plusieurs scientifiques ont alerté le public sur l'utilisation de notre sommeil à des fins commerciales.
Dans le texte, les spécialistes mentionnent la marque de bière, rappelant que "la science du cerveau a contribué à la conception de plusieurs technologies addictives, des téléphones aux médias sociaux, qui façonnent une grande partie de nos vies éveillées".
Ils ajoutent: "Nous ne voulons pas qu'il en aille de même pour notre sommeil et nos rêves, derniers refuges de nos esprits déjà assiégés".
Au Département des neurosciences fondamentales de l'Université de Genève, la docteure Kinga Igloi reste prudente sur le contenu de la vidéo. "Il n'y a pas eu d'étude derrière ce message publicitaire, aucun contrôle. Sur le principe, il est possible que des choses vues pendant la journée soient rejouées dans nos rêves. Après ce n'est pas si facile d'induire des rêves spécifiques. Notre cerveau va surtout sélectionner des informations pertinentes et émotionnellement marquantes", analyse-t-elle
Modifier les rêves
Un débat éthique, à l'heure où la psychologie et les neurosciences sont des domaines dans lesquels les avancées sont particulièrement observées par les publicitaires. Au cours des dernières décennies, l'amélioration de l'imagerie cérébrale et de nombreuses recherches universitaires ont mis en évidence que le contenu de nos rêves pouvait être modifié, notamment par des stimuli extérieurs comme l'odorat, la lumière ou les sons.
Modifier le sommeil et les rêves pour soigner des patients atteints de dépression ou de traumatismes fait déjà l'objet de certaines études, notamment en psychiatrie.
Ce qui alerte les spécialistes, c'est l'exploitation de ce domaine à notre insu. Du côté des géants de la technologie, il existe déjà plusieurs appareils intelligents conçus pour surveiller le sommeil des utilisateurs (le capteur radar d'Amazon, l'iPhone et Apple watch d'Apple, ou bien encore les appareils Fitbit et Nest Hub de Google).
Dans la lettre ouverte mentionnée plus haut, certains scientifiques craignent la cohabitation avec ces objets connectés, imaginant que ceux-ci puissent "dérouler des bandes sons sur mesure" durant notre sommeil.
Pour Jan De Schepper, membre du comité de l'Association suisse des annonceurs, rêver d'un objet et l'acheter sont deux choses très différentes. "L'humain n'a pas un bouton achat intégré dans le cerveau, et on est encore loin de télécommander le consommateur. Si on essaie de mieux le séduire et l'influencer, cela reste complexe".
S'il n'est pas question pour l'instant de partir à l'assaut du subconscient des Suisses, l'enjeu pour les publicitaires est de taille: investir un territoire peu exploré, pouvant générer d'immenses profits.
Vers plus d'authenticité
Les Suissesses Méganne Desquennes et Barbara Deumont comptent des milliers d'abonnés sur Instagram. Leurs publications ont pour thème la mode, les voyages, les cosmétiques ou encore les astuces de la vie quotidienne.
Dans le jargon, elles sont ce que l'on nomme des "influenceuses": une personne qui, par son statut et son exposition médiatique, est capable d'être un relais d'opinion en influençant les habitudes de consommation de ses abonnés. En publiant du contenu sur leurs réseaux, elles sont rémunérées par la marque avec laquelle elles collaborent.
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Une stratégie marketing très efficace pour les marques, qui misent sur le placement d'un produit publicitaire, relayé de manière plus authentique. "Le but est de faire passer un message de manière moins massive, et de faire découvrir l'ADN de la marque", détaille Boris Alonso, fondateur de Influenceurs.ch, agence spécialisée dans le marketing d'influence.
Naturel et authenticité
Un récent exemple pour Méganne et Barbara? Un hôtel, qui espère les convaincre de venir vivre une expérience unique, à partager sur les réseaux sociaux.
"Je ne me force pas à faire quelque chose que je ne veux pas, même si c'est bien rémunéré. Ma communauté me suit sur certains thèmes, il ne faut pas s'éparpiller, sinon on perd de l'intérêt auprès des gens", confie Méganne.
Barbara ajoute: "Si on vient me chercher, c'est pour mon trait de caractère. C'est la marque qui vient dans mon univers pour faire une collaboration. Ce n'est pas de la publicité pure, pour ça il y a les mannequins".
La crédibilité et l'authenticité restent la préoccupation majeure de Propaganda GEM, agence de marketing basée à Genève.
Spécialisée dans le divertissement, elle fait collaborer les productions hollywoodiennes et les marques de son carnet d'adresses, que ce soit de l'horlogerie, de la joaillerie ou des voitures.
"On est à l'intersection entre l'art et le commerce. Il faut établir une discussion entre la marque et l'ambassadeur, pour que cela soit le plus crédible possible", détaille son directeur, Javiez Jimenez.
La marque doit s'incarner dans une valeur. Un exemple avec ID Genève, qui vend des montres de luxe écoresponsables. La maison rêve d'une future collaboration avec Leonardo DiCaprio, acteur engagé sur le front environnemental. "On aime sa manière de communiquer, le fait qu'il soit militant… On a pour ambition qu'il porte l'une de nos montres d'ici trois ans", explique le cofondateur, Nicolas Freudiger.
Loin du matraquage publicitaire de ses débuts, avec le logo et la marque répété plusieurs fois, le marketing a opéré sa mue ces dernières années. Aujourd'hui, les marques ne proposent plus simplement d'acheter, mais de faire une découverte... C'est "le règne de l'expérience" qui prévaut, basé sur des valeurs comme l'authenticité ou l'utilité. Un exemple qui s'illustre bien dans les deux publicités ci-dessous.
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