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La Confédération veut rendre l'huile de CBD impropre à l'ingestion par voie orale

Sur décision de la Confédération, l’huile de CBD devra être rendue impropre à la consommation par voie orale
Sur décision de la Confédération, l’huile de CBD devra être rendue impropre à la consommation par voie orale / 19h30 / 2 min. / le 2 avril 2022
L'huile de CBD devra être artificiellement dénaturée pour pouvoir être commercialisée, selon une décision de la Confédération. Elle suscite choc et incompréhension auprès des consommateurs et des professionnels.

Le cannabis vendu légalement en Suisse (avec un taux de substance psychotrope (THC) inférieur à 1%) fait de nombreux adeptes chez les personnes cherchant à soulager leurs maux. Des consommateurs, souvent âgés, l'ingèrent sous forme d'huile pour calmer les insomnies, les inflammations, ou des douleurs chroniques.

L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) en a décidé autrement, considérant qu'il ne s'agit pas d'un produit thérapeutique, ni d'une denrée alimentaire. La semaine dernière, elle a publié une décision obligeant les producteurs d'huiles contenant du CBD à introduire un dénaturant dans le but de "décourager l'ingestion abusive par voie orale". En d'autres termes, l'huile doit être rendue impropre à la consommation.

En début d'année, des produits alimentaires au CBD ont fait l'objet d'un vaste coup de filet pour dépassement des taux maximum autorisés. Cette fois-ci, c'est en tant que produit chimique qu'il fait l'objet de mesures. Dans un rapport publié en février, qui précède la décision de la Confédération, l'Association des chimistes cantonaux avait établi que 85% des produits analysés présentaient un risque pour la santé, surtout les huiles, considérées sous les normes applicables aux produits alimentaires. Elles devront désormais toutes être rendues impossibles à avaler.

Le choc des consommateurs et producteurs

Pour Carlo, qui en consomme depuis 3 ans pour ses douleurs aux épaules, la dénaturation de son produit est un choc: "J'en mets deux gouttes avant d'aller me coucher, à chaque fois que la douleur reprend. Pour moi, cette décision est un scandale. Cela me choque, je ne comprends pas."

Pour soulager sa douleur, vive et handicapante, il lui suffisait d'aller dans un magasin. Aujourd'hui, il ne sait pas comment il va faire pour s'en fournir. "S'il le faut, j'irai le chercher à l'étranger." Car l'alternative que lui propose la médecine traditionnelle, une opération ou des médicaments très forts, ne lui convient pas.

Du côté des producteurs, la pilule ne passe pas non plus. A Sierre (VS), Benjamin Foro, cofondateur de B-Chill, vend de l'huile de CBD depuis 5 ans. "Certains de nos clients se font du souci. Ils étaient contents avec ce produit. Maintenant, il reste le CBD à fumer ou le CBD sous forme de cosmétique. Mais avec ce cadre légal, nous ne pourrons plus vendre des huiles", déplore-t-il.

L'inquiétude des médecins

L'incompréhension règne aussi auprès de certains médecins. Barbara Broers, vice-présidente de la Société suisse du cannabis en médecine, approuve la volonté de réguler ce marché "un peu sauvage" de produits à base de CBD. Mais elle conteste la décision. "En tant que médecin, cela m'inquiète. Car on va rendre dangereux pour la santé un produit qui ne l'était pas, et auquel certaines personnes trouvent un bénéfice."

La recherche des effets du CBD sur la santé est encore en cours. Mais selon Barbara Broers le CBD est moins dangereux que beaucoup d'autres produits prescrits par des médecins. "Dans mon expérience, j'ai vu que cela peut aider certains patients à diminuer leur consommation d'opiacés et d'avoir moins de douleurs. Si les gens prennent ce produit, qui est relativement cher, c'est qu'il fonctionne pour eux. Si ça ne marchait pas, ils l'arrêteraient."

La professeur craint désormais que ces patients, qui trouvaient un bénéfice à consommer l'huile, se tournent vers le CBD à fumer. "On risque de les inciter à fumer. C'est paradoxal", insiste-t-elle.

La Société suisse du cannabis en médecine regrette aussi le manque de concertation avant cette décision. De leur côté, les producteurs de CBD envisagent un recours au Tribunal administratif, possible d'ici fin avril.

Pascal Jeannerat / fme

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