Publié

Le cash disparaît de nos festivals, mais les alternatives posent de nouveaux problèmes

Le concert d'Alvaro Soler au Venoge Festival le 19 août 2017. [KEYSTONE - Laurent Gilliéron]
Ces festivals sans cash / On en parle / 10 min. / le 15 avril 2022
De plus en plus de manifestations choisissent de bannir l'argent liquide au profit de systèmes "cashless". Mais avec leur logistique coûteuse et plusieurs désagréments pour les festivaliers, le bien-fondé de ce type de systèmes fait débat. D'autant qu'ils posent également question en matière de protection des données. À Nyon, le Paléo Festival a opté pour une solution hybride.

Dans certains événements, pour payer sa boisson ou sa nourriture, il faut désormais charger au préalable une carte spéciale ou un bracelet à puce. C'est le système du "cashless", qui a commencé d'être appliqué dans les festivals depuis le début des années 2010.

De plus en plus de manifestations ont adopté ou vont adopter ce type de pratique. En Suisse romande, c'est notamment le cas du Venoge Festival (Penthaz, VD), du festival Au bord de l’eau (Sierre, VS) ou encore de la Fête des vendanges (Neuchâtel).

Dans les manifestations qui mettent en place un tel système de paiement, celui-ci est généralement imposé, sans alternative pour régler ses consommations sur place. Avec partout le même système: des cartes ou des bracelets peuvent être rechargés dans l'enceinte du festival, aux caisses dédiées ou en ligne, par le biais d’une application.

Les bracelets sont uniquement valables pour une seule édition et bien souvent payants. A la Fête des vendanges et au Venoge Festival, ils coûtent 2 francs. Au festival Au bord de l’eau, ils sont compris dans le prix du billet.

>> Sur le même sujet, écouter aussi cette émission de Couleur 3 en 2019 :

Le cashless, le moyen de paiement de plus en plus utilisé par les festivals. [Festival Panoramas - DR]Festival Panoramas - DR
Fenêtre sur cour - Le cashless en festival, ça agace pas mal / Pony Express / 14 min. / le 16 septembre 2019

Système de remboursement problématique

Selon l'organisation de ces festivals, plusieurs raisons justifient ce choix. D'une part, la gestion des bars serait optimisée et plus facile pour les bénévoles. Il y aurait moins d’erreurs de caisse, des ventes plus rapides donc plus nombreuses. D'autre part, ce système réduit les risques de vols.

Mais l'une des questions posées par ces dispositifs est celle du remboursement. À la fin de la soirée ou du festival, il faut penser à récupérer l'argent restant aux caisses sur place. En cas d'oubli, il est possible de réclamer un remboursement sur internet dans un certain délai. Mais il faut alors introduire ses informations personnelles.

Or, selon la Fédération romande des consommateurs (FRC), dans le contexte actuel où des vols de données se multiplient, les festivals devraient, au contraire, chercher à minimiser les informations collectées sur le public. Pour la FRC, les solutions "cashless" posent donc question sous l'angle de la protection des données.

L'organisation se montre également critique sur le fait que le festivalier doive lui-même faire les démarches pour récupérer son argent. Elle estime que les organisateurs devraient être pro-actifs, en contactant directement les clients à l'issue du festival pour leur proposer de récupérer leurs sous, et que l'argent non-dépensé ne devrait pas constituer une manne pour les festivals.

Solution hybride mise en place à Paléo

Dans ce contexte, le Paléo Festival (Nyon, VD) a élaboré une solution hybride pour sa prochaine édition. La monnaie disparaîtra bel et bien des stands, mais tous les autres moyens de paiements seront possibles. "On a choisi de privilégier le mieux pour le festivalier, c'est-à-dire qu'il sera libre de payer avec ce qu'il veut", expose Stéphane Demaurex, membre de la direction du Paléo.

Les cartes de débit ou de crédit seront donc acceptées, tout comme les services de paiements par téléphone, comme Twint. "Et si on arrive sur le site avec uniquement du cash, il sera possible d'aller dans un 'point banque' pour charger une carte ou un bracelet. Mais ce sera un système au porteur, qui ne demandera donc aucune information sur la personne", détaille-t-il, rappelant aussi que les personnes qui ne souhaitent payer qu'avec de l'argent liquide se font de plus en plus rares.

>> Lire à ce sujet : Le boom des utilisateurs continue pour l'application de paiement Twint

"Il s'agit fondamentalement d'éviter de compliquer la vie aux festivaliers", estime Stéphane Demaurex. "Aujourd'hui, 99,9% des billets sont achetés en ligne avec une carte de crédit, en donnant pas mal de coordonnées. Donc les données, on les a", rappelle-t-il.

Incitation à la consommation

Les stands de Paléo accepteront encore plusieurs moyens de paiement en 2022. [RTS - Thierry Parel]
Les stands de Paléo accepteront encore plusieurs moyens de paiement en 2022. [RTS - Thierry Parel]

Enfin, ces systèmes de paiements rapides peuvent aussi être critiqués dans la mesure où ils poussent à davantage de consommation. "C'est une bonne question", concède Stéphane Demaurex. "C'est vrai que ça pousse à la consommation, mais de la même manière que celle à laquelle on est confronté tous les jours, sur internet ou dans n'importe quel point de vente, dès qu'on possède un moyen de paiement facile", juge-t-il.

Il estime toutefois que les gens sont habitués aujourd'hui à devoir utiliser des applications ou des cartes prépayées pour maîtriser leurs dépenses.

En contre-partie, il note que l'absence de monnaie peut aussi pousser les stands à afficher des prix plus justes. "Avec de la monnaie, on serait tentés d'arrondir à six francs un produit qui devrait être vendu 5,50 francs", illustre-t-il.

Sujet radio: Marie Tschumi
Adaptation web: Pierrik Jordan

Publié

Histoire de gros sous

Contacté, le Venoge Festival affirme avoir récupéré au total 5000 à 6000 francs de montants non-réclamés sur leurs systèmes de pré-paiement lors de son édition 2019. Dans certains gros festivals, les montants peuvent atteindre de jolies sommes. En 2018, le festival de la Route du Rock (Saint-Malo, France) affirmait à l'AFP récupérer "entre 10'000 et 30'000 euros" selon les années, ce qui permettait d’éponger les dettes.

Mais cette pratique est également coûteuse. Au Rock Oz'Arènes (Avenches, VD), pendant plusieurs années, seul ce système de paiement était possible. Ce ne sera plus le cas pour la prochaine édition, en raison notamment du nombre trop important de bénévoles mobilisés pour gérer les caisses et les remboursements. Sans compter que le système lui-même coûtait plusieurs dizaines de milliers de francs par édition.